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Page:Piron - Poésies badines et facétieuses, 1800.djvu/69

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ALCIBIADE À GLYCÈRE.


Toi, dont le teint est plus frais que les fleurs,
Toi, que l’amour nomme sa bouquetière ;
Qui, près du temple embelli par sa mère,
Vends tes bouquets et vole tous les cœurs,
Console-moi, mon aimable Glycère.
Loin du bosquet où tu comblais mes vœux.
Où le plaisir te fit ma souveraine,
J’habite, hélas ! des palais fastueux ;
Je suis l’amant d’une superbe reine.
Glycère, hélas ! je suis bien malheureux !
Ah ! que le trône, ah ! que son étalage
Nuit aux désirs, effarouche l’amour !
Sur les carreaux je m’endors à la cour,
Comme avec toi je veillais au village.
L’ombre d’un hêtre, un asile écarté,
Une bergère au printemps de son âge,
Pour un amant, ainsi que pour un sage,
Sont plus qu’un trône et qu’une Majesté.
Vénus jamais ne porte un diadème,
Comme le tien, son front est ceint de fleurs ;
La beauté seule est son pouvoir suprême,
Et ses palais, des berceaux enchanteurs.
Quand sous leur voûte, Adonis en silence,
Était conduit par la main du désir,
Vénus, alors, oubliant sa puissance,
Était mortelle en faveur du plaisir.
Venus souvent, descendait sur la terre,
Son fils, lui seul, était son confident.