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Page:Piron - Poésies badines et facétieuses, 1800.djvu/70

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Pour son amant, Vénus était bergère,
Ne pouvant faire un dieu de son amant.

Mais le moyen (pardonnez, grande reine)
D’être amoureux avec tant d’apparat !
L’amour heureux que révolte une chaîne,
S’il est trop vu, n’est jamais délicat ;
Qu’auprès de vous, retenu par lui-même,
Libre toujours, il soit toujours constant !
On a chez vous une charge d’amant ;
Ah ! comment donc voulez-vous qu’on vous aime ?
N’ayez donc plus de premier écuyer,
Qui, chaque soir, vienne me réveiller,
En me disant d’une voix hautaine :
« Allons, seigneur, c’est assez sommeiller !
« Allons, seigneur, venez… aimer la reine. »
Tenez, madame, afin d’en mieux jouir,
Ne réglez plus les instants du plaisir.
L’occasion, le caprice est son guide ;
Comme l’amour, il aime à voltiger.
Que le hasard toujours, lui seul décide
Le vrai moment et l’heure du berger ;
Que sans éclat, sans importune escorte,
En tâtonnant, surtout sans écuyer,
J’entre pieds nus, par un autre escalier,
Dont vous m’aurez vous-même ouvert la porte.
Que souvent même, et sans aide et sans bruit,
Prenant alors, dans l’ombre de la nuit,
Un pet-en-l’air pour tunique royale,
Sa Majesté, se faisant mon égale,
Vienne trouver son amant dans son lit ;
Respectant moins, j’aimerai davantage ;