Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/235

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tionné causalement, quand il peut être prédit avec certitude. Dans ce but elle a changé légèrement l’acception du mot « événement ». Pour la physique théorique, en effet, l’ « événement » n’est pas le processus de mesure, pris en lui-même ; car ce dernier contient toujours des éléments fortuits et accidentels ; c’est un certain phénomène purement imaginaire qui a lieu dans un monde qui tient la place du monde sensible tel que nous le font connaître directement les organes de nos sens, aidés, au besoin et perfectionnés par l’usage des instruments de mesure. Ce monde est une vue de l’esprit, arbitraire jusqu’à un certain point ; c’est un modèle idéalisé qui a été créé dans le but d’éliminer l’incertitude inhérente à toute mesure réelle et de n’opérer que sur des concepts définis avec une netteté absolue.

Par suite, en physique, toute grandeur mesurable, qu’il s’agisse d’un intervalle de temps, d’une longueur, d’une charge électrique à une double signification, selon qu’on la considère comme étant le résultat immédiat d’une mesure où qu’on la suppose se rapporter à ce modèle appelé par nous « image représentative physique de l’univers ». Dans la première acception, une grandeur doit toujours être considérée comme étant définie d’une manière imprécise ; c’est pourquoi elle ne saurait être représentée par aucun nombre déterminé ; dans la seconde acception, une grandeur est au contraire un symbole mathématique déterminé sur lequel on opère en observant des règles d’une rigueur absolue. Si nous parlons de la hauteur d’une tour calculable au moyen d’une formule trigonométrique, nous entendons qu’il s’agit d’une grandeur parfaitement déterminée. La mesure effective de la hauteur de la tour, par contre, ne nous donne aucun nombre déterminé. Sa hauteur idéale, susceptible d’être calculée exactement, est donc autre chose que sa hauteur mesurée. Il en va exactement de même pour la période d’oscillation d’un pendule, pour l’intensité lumineuse d’une lampe. De même, dans l’image représentative de l’univers, une constante universelle, comme la vitesse de la lumière dans le vide ou la charge d’un électron, sont autre chose que leur mesure réelle : suivant la première acception, il s’agit de quelque chose qui est défini d’une façon parfaitement