Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/34

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des électrons tout comme la théorie cinétique des gaz, ne donne qu’une image approchée de la réalité. C’est vrai, mais ce serait se méprendre gravement que de s’imaginer que cela veut dire qu’on ne puisse pas exiger que toutes les conséquences de la théorie soient conformes aux résultats de l’expérience.

Lorsque, au milieu du siècle dernier, Rudolph Clausius eut tiré des principes fondamentaux de la théorie cinétique des gaz la conclusion que les molécules des gaz possèdent, dès la température ordinaire, des vitesses qui doivent se chiffrer par centaines de mètres à la seconde, on ne manqua pas de lui objecter que deux gaz diffusent avec une extrême lenteur l’un dans l’autre et que, dans l’intérieur d’un même gaz, l’égalisation des différences de températures locales n’a lieu que très lentement. Se contenta-t-il alors, pour justifier son hypothèse, de faire remarquer qu’elle n’était qu’une image approchée de la réalité et qu’il ne fallait pas se montrer trop rigoureux ? Bien loin de là, il montra, en faisant le calcul de la trajectoire libre moyenne, que son hypothèse rendait bien compte des faits, même en ce qui concerne les phénomènes qu’on lui opposait. Il savait, en effet, mieux que personne, qu’une seule contradiction définitivement constatée entre les faits et sa théorie, aurait suffit à la faire déchoir du rang qu’elle occupait en physique, et ceci demeure toujours vrai, même à l’heure actuelle.

C’est justement parce que la prétention de la physique moderne de donner une idée générale de l’univers, s’est trouvée justifiée qu’elle à conquis l’assentiment de tous et qu’elle s’est placée au-dessus de l’appréciation plus ou moins bienveillante des savants quelle qu’en soit la nationalité et quelle que soit l’époque où ils vivent. Elle se situe même au-dessus de l’humanité tout entière. On pourra trouver au premier abord mon affirmation bien osée ; on sera même tenté de la tenir pour absurde. Qu’on se souvienne cependant de ce que nous avons dit plus haut au sujet de la physique des habitants de Mars et l’on devra tout au moins convenir que notre généralisation ne dépasse aucunement en portée celles qui sont courantes en physique. Il n’est pas rare, en effet, qu’on y aboutisse à des conclusions qui ne sauraient jamais être vérifiées par