Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/93

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pour notre pensée, de considérer ce genre de choses comme impossible, tandis qu’une infraction à la loi de causalité peut fort bien s’accorder avec la logique formelle. De là, pour nous, cette conséquence importante que, touchant l’application de la loi de causalité dans le monde réel, il n’y a rien à trouver par les voies de la logique pure.

Le réel, à vrai dire, quoique souvent on admette précisément le contraire, n’est qu’un canton tout à fait spécial de l’immense domaine que nos pensées ont le pouvoir d’embrasser. On ne saurait objecter, là contre, que notre imagination, en dernière analyse, se lie constamment à notre expérience du réel, car cette expérience est en vérité le point de départ de toute pensée ; mais nous possédons, en outre, le don de nous élancer par la pensée au-dessus du réel, Sans cette faculté de notre imagination, nous n’aurions jamais ni poésie ni art. Elle est notre bien le plus élevé, le plus précieux, c’est elle qui souvent, lorsque la grisaille de la vie quotidienne pèse sur nous d’une façon par trop insupportable, nous fait évader vers des régions plus lumineuses.

Bien plus, l’austère recherche de la science ne peut avancer, elle aussi, que par le libre jeu de l’imagination. Qui ne peut, à l’occasion et ne serait-ce qu’une fois, concevoir des choses contraires à la loi causale, jamais n’enrichira la science d’une idée nouvelle. Et ce n’est pas seulement la construction des hypothèses qui suppose une pensée capable de s’affranchir de la servitude causale, c’est aussi l’invention de formules définitives pour les résultats acquis à la science.

Un simple exemple tiré de la physique va nous le faire mieux comprendre. Imaginons un rayon lumineux issu d’une source lointaine et réduite à un point : quelque chose comme une étoile brillante. Ce rayon nous arrive à travers autant de milieux transparents que l’on voudra, tous différents de forme et de nature, tels que l’air, le verre, l’eau, etc., et il atteint enfin notre œil. Quel chemin la lumière va-t-elle prendre pour venir de l’étoile à l’œil ? En général, sûrement pas la ligne droite, puisque la lumière se réfracte chaque fois qu’elle passe d’un milieu dans un autre, mais au contraire un chemin d’autant plus