Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, III et IV.djvu/413

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yeux, des oreilles, et toute la masse du corps qui les enveloppe. Cet appareil, qui les couvre eux et ceux qu’ils ont à juger, est pour eux un obstacle. Il faut commencer par ôter aux hommes la prescience de leur dernière heure ; car maintenant ils la connaissent d’avance. Aussi déjà l’ordre est donné à Prométhée qu’il change cela. En outre, je veux qu’on les juge entièrement dépouillés de ce qui les environne, et qu’à cet effet ils ne soient jugés qu’après leur mort ; il faut aussi que le juge lui-même soit nu, qu’il soit mort, et qu’il examine immédiatement avec son âme l’âme de chacun, dès qu’il sera mort, séparée de tous ses proches, et ayant laissé sur la terre l’attirail qui l’environnait, de sorte que le jugement soit équitable. J’étais instruit de ce désordre avant vous : en conséquence j’ai établi pour juges trois de mes fils, deux d’Asie, Minos et Rhadamanthe, et un d’Europe, savoir, Éaque. Lorsqu’ils seront morts, ils rendront leurs jugemens dans la prairie[1], à un endroit d’où partent deux chemins, dont un conduit aux îles fortunées, et un autre au Tartare. Rhadamanthe jugera les hommes de l’Asie, Éaque ceux de l’Europe : je donnerai à Minos l’autorité suprême

  1. Voyez la République, liv. X, et l’Axiochus, où cette prairie est appelée le Champ de la Vérité.