Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/340

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jours fini par nous en prouver l’inutilité, avec une sorte d’orgueil insultant. Je n’en suis pas très affligé pour moi, mais à cause de toi, Charmide ; je souffre beaucoup de voir, qu’avec une telle figure et un esprit [175e] si sage, tu ne doives tirer aucun fruit de cette sagesse, et qu’elle ne puisse te servir à rien dans le cours de la vie. Mais ce qui m’afflige plus encore, c’est que je me sois donné tant de peine à apprendre cette sentence du médecin de la Thrace, pour finir par connaître une chose d’aussi peu de valeur. Non, je ne puis croire qu’il en soit ainsi : mieux vaut penser que je ne sais pas chercher la vérité ; que la sagesse est un grand bien, et que tu es très heureux [176a] si tu la possèdes. Vois donc si tu la possèdes en effet, et si tu n’as aucun besoin de la sentence ; car, si tu la possèdes, je t’engage plutôt à ne voir en moi qu’un rêveur, incapable de rien conduire à bien dans la conversation, et à te croire d’autant plus heureux que tu seras plus sage.

Alors Charmide : Par Jupiter ! dit-il, je t’assure, Socrate, que je ne sais si je la possède ou non. Et comment le saurai-je, si tous les deux vous n’êtes pas capables de trouver ce qu’elle peut être, [176b] comme tu le prétends de toi ? Pour ma part, je ne te crois guère, et je sens que j’ai pour moi un grand besoin de ton