Axioch. Cela est vrai, Socrate, et je pense comme toi ; mais je ne sais pourquoi, à l’approche du moment fatal, ces excellentes et généreuses leçons tombent dans l’oubli et n’ont plus d’influence sur moi. Il ne me reste, pour me tourmenter de différentes manières, que la peur de perdre cette lumière et les biens de la vie. Je me vois avec horreur gisant sous terre, difforme, privé de sentiment, devenant pourriture et vers.
Socr. C’est que contre toute raison, mon cher Axiochus, tu joins la sensibilité et l’insensibilité, et tu te contredis toi-même en action et en parole, ne réfléchissant pas que tu déplores l’insensibilité en même temps que tu te plains de la putréfaction et de la privation des plaisirs de la vie, comme si tu mourais pour vivre encore et comme si tu ne passais pas à l’état d’insensibilité parfaite, ainsi qu’avant ta naissance. Sous le gouvernement de Dracon et de Clisthènes, tu ne souffrais aucun mal, car tu n’existais pas encore : tu n’en souffriras pas davantage après la mort, parce que tu n’existeras plus. Laisse donc ces enfantillages et réfléchis qu’une fois les liens de la vie rompus, quand l’âme est allée au séjour qui lui est destiné, ce qui reste, ce corps de terre et privé de sentiment, tout cela n’est pas l’homme. L’homme c’est l’âme, et être immortel enferme dans une prison mortelle. La nature nous a donné cette enveloppe pour notre malheur ; car les plaisirs qui y sont attachés sont superficiels, passagers et suivis d’un cortège de maux ; tandis que ses peines sont profondes, durables, et sans mélange de plaisirs. Les maladies et inflammations des organes, avec les maux intérieurs, tourmentent nécessairement l’âme répandue par toutes les voies du corps, lui inspirent le regret et le désir de l’Ether dont elle partage la nature, et la soif de la vie et des chœurs célestes. Sor-