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MÉNON

Socrate. — Ce n’est pas mon avis.

Ménon. — Peux-tu me dire par où il pèche ?

Socrate. — Oui. J’ai entendu des hommes et des femmes habiles dans les choses divines…

Ménon. — Que disaient-ils ?

Socrate. — Des choses vraies, à mon avis, et belles.

Ménon. — Quelles choses ? Et qui sont-ils ?


Théorie de la réminiscence.

Socrate. — Ce sont des prêtres et des prêtresses ayant à cœur de pouvoir rendre raison des fonctions qu’ils remplissent ; c’est Pindare encore, b et d’autres poètes en grand nombre, tous ceux qui sont vraiment divins[1]. Et voici ce qu’ils disent : examine si leur langage te paraît juste.

Ils disent donc que l’âme de l’homme est immortelle, et que tantôt elle sort de la vie, ce qu’on appelle mourir, tantôt elle y rentre de nouveau, mais qu’elle n’est jamais détruite ; et que, pour cette raison, il faut dans cette vie tenir jusqu’au bout une conduite aussi sainte que possible ;

Car ceux qui ont à Perséphone, pour leurs anciennes fautes,
Payé la rançon, de ceux-là vers le soleil d’en haut, à la neuvième année,
Elle renvoie de nouveau les âmes,
Et, de ces âmes, les rois c illustres,
Les hommes puissants par la force ou grands par la science
S’élèvent, qui à jamais comme des héros sans tache sont honorés parmi les mortels[2].

Ainsi l’âme, immortelle et plusieurs fois renaissante, ayant contemplé toutes choses, et sur la terre et dans l’Hadès, ne peut manquer d’avoir tout appris. Il n’est donc pas surprenant qu’elle ait, sur la vertu et sur le reste, des souvenirs de ce qu’elle en a su précédemment. La nature entière étant d homogène et l’âme ayant tout appris, rien n’empêche qu’un seul

  1. Tous ceux, en un mot, qui obéissent, non aux lois ordinaires de la raison, mais à cette force secrète qu’est l’inspiration (cf. t. I, p. 147, n. 1 et Ion 533 d, où elle est qualifiée, comme le sera à 100 a l’opinion vraie, de faveur divine, θεία μοῖρα).
  2. Sur ce frgt. de Pindare (133 Schr.), cf. Puech, Pindare, IV, p. 209.