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PHÉDON

emploient. c Or, dans cette région lointaine, c’est la totalité de la terre qui est faite de telles couleurs ; bien mieux, de couleurs beaucoup plus éclatantes et plus pures que celles-ci : ici en effet elle est pourpre et d’une merveilleuse beauté, là elle est comme de l’or, ailleurs toute blanche et plus blanche que la craie ou que la neige ; et les autres couleurs dont elle est pareillement constituée sont aussi plus nombreuses encore et plus belles que toutes celles que, nous, nous avons pu voir. C’est que, d’eux-mêmes, ces creux de notre terre, étant tout remplis d’eau et d’air, se donnent d au milieu du bariolage de toutes les autres couleurs le brillant éclat d’une coloration uniforme, si bien que la terre présente l’aspect d’un bariolage continu dont le ton est uniforme[1]. Quant à l’autre terre, constituée comme elle l’est, tout ce qui pousse y pousse en proportion[2], arbres ou fleurs et fruits ; de même, de leur côté, ses montagnes ; les pierres y ont, dans le même rapport, plus de beauté pour le poli, pour la transparence, pour la couleur ; les pierreries mêmes d’ici-bas, celles que nous qualifions de précieuses, en sont des déchets, nos sardoines et nos jaspes et nos émeraudes et e tout ce qui est de même sorte ; mais dans cette région lointaine, s’il n’est rien qui n’existe en ce genre, elles y sont plus belles encore que celles d’ici-bas. En voici la raison : les pierres de cette région sont pures ; elles ne sont pas complètement rongées et corrompues, comme celles de la nôtre, par la putréfaction et la salure, dues aux mélanges dont ces lieux-ci sont le déversoir ; car c’est là ce qui apporte, et aux pierres, et à la terre, et aux animaux d’autre part comme aux plantes, aussi

    aussi par le Démiurge (Timée 55 c). Peut-être les couleurs de la terre sont-elles les douze couleurs fondamentales du Timée 67 e-68 c. Les douze signes du Zodiaque ne sont pas en cause ici ; mais on peut signaler une analogie avec l’attribution d’une couleur à chacun des cercles célestes, Rep. X, 616 e sq.

  1. Dans une lumière vaporeuse, les couleurs sont moins tranchées, et comme fondues dans une tonalité générale qui varie avec l’heure et la saison. Tel est notamment le cas pour nos bas-fonds : sur la surface uniformément colorée de la mer, une voile fait une tache mal délimitée et qui en semble inséparable.
  2. Platon aime à employer ainsi la proportion (110 a fin et 111 b ; cf. Rep. VI fin). Le terme supérieur est ici un paradis, non pas céleste comme celui des Pythagoriciens (Vors.³ I, 358, 20), mais