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NOTICE

nons autres dans toutes les parties de notre corps, tout en demeurant nous-mêmes ; bref nous nous renouvelons incessamment, et ce qu’on appelle l’identité de la personne n’est que la série successive de ces renouvellements incessants (207 a-e). — Mais, puisque cette tendance à produire de l’existence concerne l’âme aussi bien que le corps, on montrera que la vie de l’âme comporte à son tour un pareil renouvellement dans son identité apparente ; nous sommes toujours nouveaux : dans notre caractère comme aussi dans nos opinions, dans nos connaissances, dans nos penchants et nos émotions, ceci s’éteint pour faire place à cela, qui en naît. De même pour chaque connaissance isolément : son unité individuelle est en réalité une suite discontinue d’êtres successifs de connaissance ; une connaissance naît, elle survit quelque temps à l’état de souvenir, mais le souvenir même en serait oublié, si l’étude ne venait créer un jeune souvenir à la place du vieux qui se mourait, et ainsi assurer son salut à l’individualité de cette connaissance (207 e-208 b).

On voit donc par quel artifice participe à l’immortalité toute existence mortelle, de quelque sorte qu’elle soit : c’est au moyen d’une génération. Cette génération, de mille façons diverses, à l’être usé en substitue incessamment un autre, pareil à lui, appelé à prendre sa place et à subsister après lui : repousse à laquelle il ne peut manquer de porter intérêt puisque cet autre lui-même le prolonge au delà de lui-même (208 b). — On retrouve ici, sous un autre aspect, le « cercle des générations », emprunt à la tradition orphique par lequel le Phédon motivait l’espoir du philosophe en l’immortalité de nos âmes : vivre, mourir, être mort, renaître, revivre, jamais ne s’arrêtera cette révolution ; si elle s’arrêtait et ne revenait pas sur elle-même après la mort, il y aurait longtemps que la vie n’existerait plus (surtout 71 a-72 a). Il faut donc, pour conserver son essence à la nature mortelle, qu’il y ait en elle et, comme l’enseigne notre dialogue, par l’amour qui est synthèse, une tendance à s’immortaliser au moyen de la génération. Mais, ajoute le Banquet (208 b), il y a une autre façon de participer à l’immortalité, qui est celle des êtres divins : ce n’est plus une participation fondée sur l’artifice d’un renouvellement ; c’est une participation réelle et l’identité permanente d’une même existence (cf. p. 64, n. 2). Or, ici encore, ne rejoignons-nous pas le