Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 2 (éd. Robin).djvu/97

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NOTICE

encore n’est pas impossible. Mais il y a d’autres lieux de résidence et d’autres associations d’individus, lesquelles, résultant d’une adhésion volontaire de ceux qui les composent, ont par là même une plus haute valeur spirituelle. Ce sont ces thiases ou ces éranes, ces confréries, que constituent spécialement les écoles philosophiques, où sont groupés de jeunes hommes en une résidence commune.

Leur esprit y est fécondé par l’enseignement d’un Maître qui dirige le groupement, qui lui donne sa loi et ses règlements, pour l’étude comme pour la conduite. Là ils collaborent à l’œuvre commune que la pensée du Maître a enfantée. L’homme de génie, éducateur et législateur, dont le nom n’est pas prononcé et en parallèle de qui se présentent les noms illustres d’Homère et d’Hésiode, de Lycurgue et de Solon, ce serait donc Platon lui-même. Or, quand il écrit le Banquet, il n’y a pas longtemps sans doute qu’il a fondé l’Académie (vers 387) : elle représente pour lui cette « droite conception de l’amour des jeunes gens » dont il parlera plus loin (cf. 211 b), une œuvre d’amour organisée. Elle est née de cette ardente passion d’éducateur et de législateur qui l’a toujours animé, qui germait en lui dès ses jeunes années[1]. Elle vivra de l’attachement des élèves au pacte initial et de l’amoureuse fidélité de leur dévouement volontaire à la pensée du Maître[2]. S’il doit quelque jour la quitter pour un temps, en vue d’un nouveau voyage vers cette Sicile qui est la terre élue de son Paradis politique, il ne cessera de veiller de loin sur elle avec la même tendresse[3]. — Le meilleur commentaire de ce morceau ne se trouve-t-il pas dans le célèbre passage du Phèdre, où est examinée la question de savoir ce que vaut le discours écrit, ou le livre, pour l’éducation des esprits ? Il n’est au fond, dit Socrate, qu’un magnifique amusement : « Mais de beaucoup est plus belle, je crois, l’application qu’on donne à ces choses [ensemencer les esprits en

  1. Comparez Lettre VII 325 a-326 b.
  2. C’est une idée voisine qui inspire, dans le Phédon (115 b) l’adieu de Socrate à ses amis.
  3. Déjà, comme on l’a vu (p. ix, n. 2), dans son Antigonos von Karystos, U. von Wilamowitz avait bien marqué cette relation de l’Érotique platonicienne avec la fondation récente de l’Académie. — Comparer Aristote Eth. Nic., IX 9, 1169 b, 16-19 ; X 7, 1177 a, 32-b, 1.