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NOTICE

sphère empestée et élu par Platon pour recevoir, tout à la fin du dialogue, des louanges qui contrastent singulièrement avec la façon dont Lysias a été constamment traité ? La question est délicate. Sans doute serait-il assez facile d’y répondre si l’on connaissait vraiment l’histoire des relations personnelles d’Isocrate avec Platon. Il ne manque certes pas à ce sujet de conjectures, analogues à celles qui viennent d’être proposées pour le cas de Lysias. Mais, cette fois, nous avons au moins des données positives d’une autre sorte ; ce sont les vues d’Isocrate sur la nature et la destination d’un art de parler, et nous pouvons les confronter avec celles que Platon expose dans le Phèdre. La question devra donc être reprise quand on abordera la conception de la rhétorique (p. clxiv, sqq.). Pour le moment, on se bornera à situer le personnage d’Isocrate et à noter les principales étapes de sa carrière jusqu’aux environs de l’époque au-dessous de laquelle on peut difficilement reculer la composition du Phèdre.

Né en 436, plus âgé par conséquent que Platon d’à peu près huit ans et, de toute façon, notablement plus jeune que Lysias, Isocrate était le fils d’un Athénien à qui sa fabrique de flûtes avait valu une belle fortune. Il n’est pas impossible qu’il ait été l’élève de Prodicus et fréquenté Socrate. En tout cas la situation de son père lui assurait la meilleure éducation ; elle lui permit même, vers sa vingtième année, de se rendre en Thessalie à l’école de Gorgias qui, dit-on, vendait fort cher son enseignement. Combien de temps y resta-t-il ? à quelle époque rentra-t-il à Athènes ? Nous l’ignorons : à l’époque où nous retrouvons sa trace il est ruiné et, pour vivre, contraint d’utiliser sa culture rhétorique à faire métier de logographe. Les plus anciens plaidoyers que nous possédions de lui semblent être contemporains, ou peu s’en faut, de la restauration démocratique de 403[1]. Mais cela ne prouve pas qu’il n’eût point déjà plaidé, et d’un autre côté la publication, totale ou partielle, paraît en avoir été faite bien plus tard, par ses soins, pour montrer aux élèves de son école comment il faut traiter tel genre d’affaire, comment on doit employer tel moyen rhétorique. Il y en a, comme le Trapézitique et

  1. Sur ceci et sur ce qui suit, voir l’édition d’Isocrate par G. Mathieu et É. Brémond dans la collection Budé (t. I, 1928) et la thèse du premier : Les idées politiques d’Isocrate (1925).