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PHÈDRE

milieu de son dialogue pour signifier que l’enseignement de la rhétorique en est l’objet immédiat.


Préambule sur la fonction des mythes.

Puisque Phèdre a sur lui le texte même du discours, il en devra donner lecture à Isocrate. On cherche pour cela un coin où faire halte et, tandis qu’on y va, la conversation des deux promeneurs tombe sur l’enlèvement par Borée de la Nymphe Orithye : prétexte pour Platon à définir son attitude en face des interprétations physiques des mythes traditionnels. L’effort qu’elles supposent détourne, dit-il, du véritable objet de la pensée, la réflexion de celle-ci sur elle-même et la connaissance de soi ; ainsi on se lance dans une recherche qui est sans fin comme sans base, on se croit très savant et l’on n’est qu’un rustaud (229 c-230 a). Mais, si ce n’est pas là ce qu’il faut chercher sous l’affabulation d’un mythe, celui-ci ne serait-il donc qu’un conte amusant ? Encore aurions-nous à lui demander, comme le dit Platon dans un morceau fameux de la République (II 376 e sqq.), de ne pas servir à dépraver l’esprit. La vérité est du reste qu’il est possible au philosophe d’utiliser les mythes existants ou d’en créer lui-même de façon à faire deviner, sous la séduction du vêtement, un corps de vérité substantielle. C’est de quoi le Phèdre nous fournira trois remarquables exemples. Bien plus, le plus important d’entre eux, celui où est enfermée la doctrine de l’âme et de l’amour, représente l’expiation qui doit purifier d’une souillure religieuse, du péché de mythologie (243 a) ; or ce péché consiste justement à traiter les mythes comme des fables avec lesquelles on peut en prendre à son aise, faute d’y voir une occasion de réfléchir sur soi-même. Peut-être est-il donc permis, en résumé, de penser que cet apparent hors-d’œuvre mythologique du début est secrètement motivé par la signification qu’il doit recevoir de la suite même du dialogue.


Comment s’explique la place faite à l’amour.

L’amour est le sujet du discours de Lysias, que Phèdre lit à Socrate. Serait-ce pour cette raison, tout extérieure, que l’œuvre fait à l’amour une grande place ? S’il en était ainsi, tout ce qui y est dit plus tard sur la question et qui est une pièce essen-