Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 3 (éd. Robin).djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xlii
PHÈDRE

côté, jouer de l’éloquence pour tromper l’auditeur quoiqu’on sache soi-même ce qui est vrai, cela convient seulement, et au discours de Lysias en une acception ironique et comme si celui-ci dissimulait ce que réellement il sait (comparer 271 c déb.), et au premier discours de Socrate, puisque le mensonge de ce discours est celui de l’homme qui sait ce qui est vrai. Sans doute une telle connaissance de la vérité est-elle pareillement impliquée par le second discours ; sans doute celui-ci est-il pareillement un jeu oratoire (cf. 265 c, déb. et fin) ; sans doute aussi suppose-t-il une heureuse chance, savoir que la voix démonique soit intervenue pour déterminer Socrate à sa « palinodie ». Il n’en est pas moins vrai qu’il n’a rien à voir avec l’opposition, si nettement marquée ici, entre vérité au-dedans de la pensée et mensonge dans l’expression de cette pensée au dehors. Enfin n’est-ce pas intentionnellement, plutôt que par négligence grammaticale, que, parlant des deux discours, Platon a écrit qu’ils contiennent un exemple d’une telle opposition ? En fait, d’ailleurs, c’est par le discours de Lysias que commencera cette leçon des exemples ; la critique qu’on en a faite du point de vue de la forme doit tout naturellement dispenser d’examiner pour lui-même le premier discours de Socrate, car il en corrigeait seulement les défauts de forme ; l’unique leçon à en tirer, on le voit en effet (265 a), est celle qui résulte de sa relation au second discours, en tant qu’avec celui-ci la considération du fond remplace celle de la forme, et que la vérité y est cette fois proclamée par l’homme qui la connaît. Ainsi les trois discours seraient trois exemples : celui de Lysias, de jeu mensonger sans art ; le premier des discours de Socrate, de jeu mensonger avec art ; le second, de jeu à la fois véridique et plein d’art.

La critique du discours de Lysias (262 d fin sqq.) porte sur deux points. Le premier précise des indications antérieures (cf. 261 cd) : le domaine où se meut la rhétorique dans toute son extension, c’est celui de ressemblances qui favorisent le passage inaperçu d’une notion à son opposé. Ici ce sont de nouveau les notions de juste et d’injuste, de bien et de mal qui servent d’exemple pour montrer que nulle part la rhétorique n’est plus à son aise pour produire l’illusion que sur les sujets qui prêtent à controverse, étant de ceux sur lesquels flotte, hésitante, la pensée, non seulement de divers hommes, mais de chacun de nous en des moments divers. Pour parler