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NOTICE

qui sont les compositions « épidictiques » du maître. Oui, poursuit Socrate, c’est une heureuse chance, vraiment, qu’aient été prononcés les deux discours qui offrent quelque exemple de la façon dont on peut, bien qu’on connaisse la vérité, se faire de la parole un jeu pour égarer ceux qui vous écoutent (cf. 265 c s. fin.). Les deux discours en question ne peuvent être, à mon avis, que le discours de Lysias et le premier discours de Socrate[1]. N’est-ce pas tout d’abord une heureuse chance que Socrate ait rencontré Phèdre et qu’ainsi il ait connu le discours de Lysias ? De plus, c’est encore un hasard, heureux en un sens, que du lieu même où ils se sont arrêtés émanent tant d’influences particulières (cf. p. xxxii, sq.), sans lesquelles jamais Socrate n’eût cédé aux objurgations de Phèdre ni repris à son tour le thème de Lysias. D’un autre

    suite l’indique assez clairement (262 d et p. 66, n. 2), l’audacieux paradoxe par lequel Platon, jeune encore, traduisait en termes saisissants sa conviction profonde de la valeur absolue du savoir, le paradoxe de l’Hippias minor. En même temps, cela annonce l’analyse, plus subtile et plus nuancée que Platon, vieillard, consacre à la question dans le Sophiste (233 a-236 d et surtout 266 d jusqu’à la fin du dialogue) ; analyse préparée d’ailleurs par celle qu’on trouve au livre X de la République, notamment 596 a-603 a. Ces analyses envisagent la mimétique, l’art de l’imitation. Dans cet art le Sophiste distingue explicitement une production de réalités vraies, qui sont des copies, et une production de simulacres, qui sont de fausses apparences. Mais, parmi les simulateurs dont les produits sont de ce dernier genre, il distingue ceux qui ont la connaissance vraie de ce qu’ils imitent et ceux qui en sont dépourvus : l’art des premiers est une mimétique informée (ἱστορική τις μίμησις) et celui des autres, une mimétique d’opinion, une doxomimétique. Puis entre ces derniers apparaît encore une nouvelle distinction : il y a le simulateur candide (εὐήθης), qui croit savoir ce que réellement il ignore (ce serait ici le public, qui se croit en état de juger et de décider, cf. 260 a) et le simulateur astucieux (εἰρωνικός, cf. ici 271 c déb.), qui affiche extérieurement un savoir dont, au-dedans de lui-même, il sent l’effroyable néant ; selon que son hypocrisie s’exerce dans des assemblées publiques ou dans des réunions privées, en longs discours ou bien en argumentations, c’est ou bien un orateur populaire ou bien un sophiste. Dans l’un des cas comme dans l’autre, le Phèdre dirait, d’une façon générale, que c’est un orateur (cf. p. xx, n. 3).

  1. Sur ce point je m’écarte à regret de l’opinion de M. Bourguet : il s’agit ici d’après lui (art. cit. p. 338) des deux discours de Socrate.