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NOTICE

ou écrire avec art il est donc indispensable d’avoir tout d’abord déterminé si tel n’est pas le cas du sujet à traiter et, ensuite, de s’être mis d’accord sur une définition de la chose dont il s’agit (cf. 237 c, 277 b). Or c’est précisément le cas de l’amour : sans quoi Socrate n’aurait pu à son égard adopter successivement dans ses deux discours deux attitudes contraires. Lysias est donc fautif de n’avoir point, comme l’a fait Socrate au début de son premier discours, défini la conception qu’il s’en faisait. — Le second point sur lequel on voit que Lysias a manqué d’art (263 e déb.) se lie à cette première faute : ne sachant pas de quoi il parlait, il ne pouvait ordonner convenablement son discours ; il a commencé par la fin ; l’ordre des parties, étant indifférent, est interchangeable. C’est donc une composition inorganique.

Ce qu’en premier lieu révèle d’autre part l’exemple de la relation qui existe entre les deux discours de Socrate (264 e sqq.), c’est l’importance significative de leur contrariété. Cette contrariété nous mène en effet à reconnaître qu’il y a deux espèces du délire, dont l’une est une vraie maladie dans laquelle déchoit notre nature humaine, tandis que l’autre est une possession divine par laquelle nous sommes au contraire élevés au-dessus de nous-mêmes. Il est possible que la première espèce corresponde à ces délires dont parle le Timée (86 b sqq.) et qui sont suffisamment expliqués par des états du corps. Mais il me paraît plus probable, étant donnée la façon dont cette distinction est introduite, qu’elle doit être rapportée à la différence d’inspiration, déjà notée, des deux discours (cf. p. xxxii sqq.). Or l’amour, de son côté, a été reconnu pour être un délire, aussi bien par le premier discours (241 a 4, b 8 ; cf. 238 e fin) que par le second. En raison toutefois de cette différence d’inspiration, le premier a considéré ce délire comme un mal : jeu impie ; le second y a vu au contraire la plus belle des formes de délire qu’il a distinguées[1] : jeu sacré et qui rend au dieu Amour l’hommage auquel il a droit. Peu importe à quoi Platon a pu penser au

  1. Il est assez surprenant que Platon présente à 265 b la distribution des quatre formes du délire entre quatre divinités comme si elle correspondait exactement à la division de 244 b sqq., alors qu’elle constitue une nouveauté réelle. On ne peut cependant soupçonner ici une interpolation.