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PHÈDRE

juste quand il avoue n’avoir sans doute pas réussi à garder le contact avec la vérité (p. 71, n. 2) ; l’essentiel, c’est que cet hommage est lyrique et mythique, et que le moment où Platon caractérise ainsi son deuxième discours est celui où il introduit la notion de la méthode dialectique (265 bc). En tant qu’il est un hymne mythologique, ce deuxième discours est en lui-même un mélange, c’est-à-dire qu’à la fiction poétique se mêle une vérité. Mais ce n’est pas par lui-même qu’il a motivé l’introduction de la dialectique, c’est par son opposition au premier discours et, comme dit Platon, par la façon dont on a pu passer ainsi du blâme à l’éloge, reconnaître la nécessité d’une division, donc d’une spécification. Aussi, quand Socrate, un peu plus loin (e), parle des deux discours grâce auxquels ce résultat a été obtenu, est-il évident qu’il ne s’agit plus des deux discours, pareillement mensongers, dont il était tout à l’heure question (262 c fin) : celui de Lysias est explicitement mis hors de cause (264 e), et ce qui est par conséquent instructif, c’est la relation du second discours de Socrate au premier. Or ils ont envisagé l’égarement d’esprit dans l’unicité de sa nature ; mais, tandis que l’un a taillé d’un côté et ainsi a abouti à déterminer la branche gauche et funeste de cette nature, l’autre a taillé du côté droit et abouti à déterminer une branche droite, ce qui lui a permis de découvrir une sorte divine d’amour, qu’il a louée comme il convient (265 e sqq.). En résumé, si l’on veut être capable de comprendre comment à une rhétorique fondée sur le pur empirisme on pourra substituer une rhétorique philosophique, il est également impossible d’isoler le premier discours de Socrate de celui de Lysias et, l’un de l’autre, les deux discours de Socrate. Ainsi se manifeste à nouveau, et d’une façon particulièrement éclatante, l’unité décomposition du dialogue, puisqu’ainsi on voit quelle étroite solidarité lie l’examen de la rhétorique à la conception de l’amour.


La rhétorique actuelle

II. — Mais Phèdre ne connaît qu’une rhétorique, celle des rhéteurs qui sont ses maîtres : une rhétorique qui dépendrait de la dialectique ne dit rien à son esprit (cf. p. 73, n. 3). Il réclame donc qu’au contraire, en face de la dialectique, on envisage la rhétorique en elle-même et à titre de genre indépendant (266 c). Si c’est une discipline autonome, elle