Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 3 (éd. Robin).djvu/55

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NOTICE

doit avoir des règles techniques qui lui soient propres (cf. 269 bc). Aussi y a-t-il lieu de passer en revue le contenu des livres où cette discipline est exposée, de nommer quelques-uns des maîtres qui en ont fait profession (cf. section VI). Ce qui seul à la vérité nous intéresse présentement et par rapport au développement du dialogue, c’est l’examen critique de cette prétendue discipline (268 a sqq.) : c’est en effet de cet examen que sortira, réclamée par Phèdre lui-même (269 c), la notion d’une rhétorique qui mérite d’être appelée un art. Cet examen se fait par une méthode comparative : quelles sont les exigences des arts incontestables et, pour ainsi dire, constitués, ayant des représentants illustres et dont l’avis fait autorité quant aux exigences de chacun de ces arts ? Or le médecin, le poète tragique, le musicien s’accordent à reconnaître que l’exercice de leur art suppose des études préliminaires spéciales : un médecin par exemple, avant de soigner des malades, doit avoir appris quel est l’équilibre du chaud et du froid dont est faite la santé, quelles sont les espèces de perturbations qui peuvent survenir dans cet équilibre générique, quelles sont pour chaque effet curatif à obtenir les ressources de la thérapeutique. Mais il sait aussi que de telles connaissances, purement formelles, ne suffisent pas pour être capable de guérir quelqu’un : la grande affaire, c’est de les organiser et de les mettre en œuvre en les adaptant à des sujets individuels et à des circonstances singulières (268 b s. fin. ; cf. 270 b). Tout au contraire, la rhétorique met le tout de l’art dans une théorie qui ne concerne que les éléments, qui est scolaire et livresque, qui se flatte d’être exhaustive parce que, dans l’abstrait et artificiellement, elle envisage les opposés d’un même genre. Quant au surplus, qui est véritablement l’essentiel, elle n’en a cure et c’est affaire aux élèves de se débrouiller tout seuls quand ils auront à parler ou à écrire. Or ce surplus, il n’y a que l’exercice de la dialectique qui puisse le donner (269 bc). C’est justement ce qu’expliquera Platon par la suite quand il parlera de la rhétorique philosophique[1].

  1. Surtout 271 c-272 b. C’est de cette déficience de la rhétorique actuelle que témoignait déjà l’examen critique du discours de Lysias, 235 e sq., 262 d-264 e.