Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 3 (éd. Robin).djvu/63

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NOTICE

Qu’il y ait eu, et probablement dès la fondation de l’Académie, des « doctrines non écrites », c’est ce dont on ne peut douter. Même si l’on répugne à en appeler à leur égard au témoignage des Lettres (par exemple VII 341 c sqq.), qui malgré tout demeure suspect (cf. p. xx n. 1) et qui d’ailleurs inquiète par son parfum d’ésotérisme, il y a tout au moins le témoignage d’Aristote. Le livre serait le reflet de cet enseignement, un reflet que seraient seuls capables de reconnaître les privilégiés qui auraient connu la réalité ainsi reflétée[1].

Ces reflets de sa pensée, ce n’est pas au surplus pour lui seul que l’écrivain philosophe les recueille et les fixe : ils serviront aussi, ajoute Platon dans une phrase qui vaut d’être soigneusement notée (276 d), à quiconque marche sur les traces de cette pensée. Mais, comme Socrate insiste sur la valeur d’un tel divertissement comparé à d’autres, ce qui frappe l’esprit de Phèdre et ce qu’il retient, c’est seulement l’idée de jeu littéraire et d’exercice rhétorique (e et la note ad loc.) ; il concède donc que les thèmes en devront être ceux dont Socrate a parlé, le Juste, le Beau, le Bien (c, s. in. et 277 e déb.). S’il y a là de sa part un malentendu, on verra plus tard de quelle façon il doit être dissipé (cf. p. cxv sqq.). Toujours est-il qu’avec cette indulgence narquoise et polie qui lui est habituelle, Socrate s’abstient de contredire ouvertement. Il y a cependant, ajoute-t-il, bien plus de beauté dans une activité sérieuse s’appliquant à ces mêmes objets et pour eux-mêmes (cf. 278 a, de) : c’est celle qui, appuyée sur un savoir authentique et usant de la dialectique, ensemence par la parole les âmes choisies dont elle a avec amour entrepris la culture. Activité essentiellement élective en effet, car elle sait à l’égard de quelles âmes et dans quelles circonstances elle doit s’exercer ou bien s’abstenir (cf. 276 a). Dire d’autre part que la dialectique en est la méthode, c’est dire qu’elle est un entretien, car il n’y a pas de dialectique sans dialogue[2]. Et cet entretien est un enseignement, mais ce n’est pas un enseignement dogmatique ; il suppose en effet une participation active du répondant

  1. C’est un problème qu’il suffit d’avoir posé et qu’il est impossible de discuter ici. Voir Paul Mazon, Sur une lettre de Platon, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres 1930.
  2. Cf. mon édition du Phédon, p. 12, n. 2.