Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 3 (éd. Robin).djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
liv
PHÈDRE

(ou, si l’on veut, de l’élève), puisqu’à chacun de ses pas la recherche ne peut avancer qu’à la condition d’un assentiment critique donné à l’interrogateur, c’est-à-dire par l’accord des deux interlocuteurs[1]. Voilà pourquoi un tel enseignement n’est pas stérile, comme le serait celui qui se fige dans la mémoire docile de l’élève. C’est au contraire une semence qui lèvera dans son âme, engendrant ainsi une activité nouvelle où revivra ce qu’on pourrait appeler l’esprit du germe originaire. Enfin, de même qu’un tel discours est capable, quand il vient au jour, de se défendre lui-même contre les attaques et contre les obstacles, la continuation de sa vie à travers les générations lui garantit pour toujours le même pouvoir (276 a, sq. ; cf. 278 a-c). L’image qu’évoque ce morceau du Phèdre me semble être celle d’une association entre maître et élèves pour la recherche en commun de la vérité, et dans laquelle le maître est seulement un guide. Comment une telle communauté ne serait-elle pas fondée sur l’amour, amour de cette vérité qui en est le principe et l’objet, amour du maître pour les âmes qu’il a choisi de cultiver, amour des âmes élues pour celui qui guide et surveille leur épanouissement, amour de tous ensemble pour ce qui est le fruit impérissable de leur mutuel amour ? Il y a là un parallélisme remarquable avec un passage du Banquet (209 a-e) où, à l’idée d’une éducation fondée sur la communauté dans l’aspiration au Vrai et au Bien, s’associe l’idée d’amour et de fécondité. Dans les deux cas nous serions donc en présence de confidences déguisées au sujet de l’Académie (cf. Banquet, Notice p. xc sqq.). Si ce rapprochement est justifié, c’est de nouveau la notion d’amour qui vient affleurer, comme une eau souterraine courant, invisible, à travers toute cette partie du dialogue, qui semblait n’être consacrée qu’à l’examen de la rhétorique.


Récapitulation.

C’est là pourtant le terrain sur lequel, dès le début, se meut le dialogue, et cette surface ne doit pas finir par éclater sous la poussée de ce dont elle recouvre la vie secrète. Voilà sans doute la raison d’être d’une récapitulation (277 a sqq.) qui, en fait, se

  1. Cf. 277 a. Voir mon édition du Banquet p. lxxv sq. et du Phédon p. 58, n. 1 et p. 60, n. 4.