rhétorique. Mais sous cette forme railleuse, il a dénoncé les dangers d’une éloquence qui, au lieu de poursuivre et d’éclairer les âmes, ne songe qu’à les empoisonner par la flatterie. La critique n’atteint pas seulement les rhéteurs : elle frappe aussi le public athénien, qui leur prête une oreille complaisante, et se laisse bercer par des éloges mensongers[1]. Il se persuade, à les entendre, que l’histoire d’Athènes n’a été qu’une suite de hauts faits, et que leur cité s’arroge justement la gloire d’exploits communs à d’autres États grecs ; il s’imagine que la démocratie est vraiment le gouvernement des meilleurs, et qu’Athènes s’est toujours montrée dans le monde le champion désintéressé de la liberté et du droit ; il prend à son compte les services rendus par les ancêtres, sans voir l’abîme qui sépare des combattants de Marathon les hommes coupables d’avoir signé la paix honteuse d’Antalcidas[2].
Contre l’intention satirique du Ménexène on a fait valoir, il est vrai, l’opinion des anciens, qui paraissent avoir pris le discours au sérieux. Hermogène le considère comme le plus beau des panégyriques[3]. Denys d’Halicarnasse, qui en critique impitoyablement le début, semble en approuver la fin sans réserve[4], et, s’il reproche à Platon l’emploi des procédés de la rhétorique, c’est sans y soupçonner une raillerie[5]. Il faut admettre enfin que les Athéniens eux-mêmes s’étaient entièrement mépris sur l’esprit du Ménexène, s’il faut en croire Cicéron : il rapporte[6] que l’épitaphios de Platon était tous les ans débité à Athènes. Mais le jugement du rhéteur Hermogène n’a rien de surprenant : il prouve que le discours du Ménexène répondait parfaitement, pour l’ordonnance et le style, à l’enseignement de l’école. Denys s’est mépris sur l’objet de l’ouvrage[7], en isolant l’oraison funèbre du dialo-
- ↑ Voir 235 a sq. Cf. plus haut.
- ↑ Trendelenburg, p. 6 sq. ; Wilamowitz, o. l., p. 136. Hoeltermann, Platos Polemik im Menon, Euthydemos und Menexenos (Z. f. Gymnasialwesen, 1909, 2-3, p. 81 sq.) semble d’ailleurs aller trop loin en considérant la condamnation de la politique athénienne comme le principal objet du Ménexène.
- ↑ Περὶ ἰδεῶν, 403.
- ↑ O. l., 30.
- ↑ A. Croiset, o. l., p. 59.
- ↑ Orator, 44.
- ↑ Stallbaum, o. l., p. 12.