Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome V, 1.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
NOTICE

gue qui l’encadre et en éclaire le dessein. Il en a étudié la forme sans prendre toujours garde au fond ; et lui-même nous donne la mesure de son inintelligence quand il soutient (23) que les éloges de l’Amour dans le Banquet sont le plus souvent indignes de Socrate : pas plus dans le Ménexène que dans le Banquet il n’a flairé la parodie. Si le témoignage de Cicéron est exact, il faut en conclure que le public athénien, toujours heureux de s’entendre louer, ne regardait pas de très près à la valeur ni au sens de l’éloge : le Ménexène lui-même ne dit pas autre chose (235 d)[1]. L’intention de l’auteur n’était plus comprise ; le nom de Platon ajoutait à l’éclat du discours, et sans doute ses admirateurs eux-mêmes se réjouissaient-ils de le voir passé maître dans l’art oratoire[2]. Mais cet endroit de l’Orator est suspect. Bake, Kayser, O. Jahn y ont reconnu une interpolation[3], peut-être amenée par le passage du Ménexène (249 b) où sont rappelées les fêtes funèbres célébrées annuellement à Athènes.

Replacé dans l’ensemble de l’œuvre de Platon, et rapproché du Gorgias, le Ménexène manifeste clairement sa signification : il est un épisode de la lutte engagée par son auteur contre la rhétorique, et comme le « drame satyrique » qui fait suite à la « tragédie » du Gorgias[4]. Pour attaquer la rhétorique, pour faire voir la banalité pompeuse, le vide, les exagérations menteuses et le danger d’un genre faux par excellence — celui de l’éloge funèbre —, Platon a eu recours au pastiche : le Gorgias et le Banquet, sans parler du Phèdre, montrent assez l’art merveilleux qu’il savait déployer dans cet exercice.



L’authenticité du Ménexène.

L’authenticité du Ménexène, contestée ou niée par Ast, Suckow, Schaarschmidt, Susemihl, Steinhart et Zeller[5], n’est plus guère mise en doute aujourd’hui. Elle est démontrée par les preuves internes, si l’on admet contre Schleiermacher que le discours prononcé par Socrate s’accorde avec les railleries du dialogue au lieu de s’y opposer par son caractère.

  1. Cf. Berndt, o. l., p. 57 ; Wendland, o. l., p. 175-6.
  2. Berndt, o. l., p. 57 ; cf. Hoffmann, o. l., p. 333.
  3. Cf. Berndt, o. l., p. ix.
  4. Dümmler, Akademika, p. 26.
  5. Cf. Blass, o. l., p. 463, note 5.