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NOTICE

les noms s’est réglé sur l’idée qu’il se faisait des choses. Mais qui garantit qu’il en avait une idée juste ? L’accord prétendu des noms ne prouve rien ; il est d’ailleurs contestable. Certains d’entre eux, précédemment expliqués comme marquant le mouvement, semblent au contraire exprimer le repos.

b (437 d-439 b). Supposons que l’auteur des noms primitifs les ait établis en connaissance de cause. Sur quoi a-t-il pu se fonder ? Ce n’est pas sur d’autres noms : il n’y en avait pas encore. Est-ce sur les choses ? Mais on a dit que ce sont les noms qui les font connaître.

Cratyle, embarrassé, suggère que les noms primitifs ont peut-être été établis par une puissance surhumaine (μείζω τινὰ δύναμιν ἢ ἀνθρωπείαν), ce qui en garantirait la justesse. Mais alors, dit Socrate, il faut admettre qu’elle s’est contredite. Serait-ce qu’une des deux catégories distinguées ne représente pas vraiment des noms ? Mais laquelle ? On arrive ainsi aux conclusions suivantes : il est possible de connaître les choses sans l’aide des noms ; le moyen le plus naturel de les connaître est de s’adresser à elles-mêmes, et non pas aux noms qui n’en sont que les images.

III (439 b-fin). Reprenant un point précédemment indiqué, Socrate déclare que les noms marquant le mouvement risquent d’induire en erreur. Leurs auteurs les ont établis dans la croyance que tout se meut et s’écoule sans cesse (ὡς ἰόντων ἁπάντων ἀεὶ καὶ ῥεόντων). Mais peut-être est-ce une illusion, que leur esprit, entraîné par une sorte de vertige, a transportée dans les choses. Il existe un Beau et un Bien en soi ; il est toujours pareil à lui-même. S’il passait sans cesse, il serait impossible de lui assigner une appellation juste. On ne peut attribuer l’être à ce qui n’est jamais dans le même état ; il ne peut davantage être connu de personne. Car aucune forme de connaissance ne saurait s’appliquer à ce qui n’a point d’état déterminé. En tout cas, il n’est pas très prudent de s’en remettre aux noms pour affirmer que tout s’écoule. L’examen du problème doit être repris et poussé à fond ; Socrate engage Cratyle à s’y employer. Cratyle proteste qu’il ne cesse de réfléchir à ces questions, et qu’il reste fidèle à la théorie d’Héraclite. — Là-dessus, l’entretien prend fin ; Cratyle se dispose à partir pour la campagne, accompagné d’Hermogène.