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CRATYLE

sur ses propres conclusions, et juge nécessaire de reprendre l’examen. Cratyle admet que la justesse du nom consiste à montrer la nature de la chose ; que les noms sont faits pour instruire, et que les établir est un art, pratiqué par les législateurs. Mais il se refuse à croire que certains noms puissent être mal établis. Selon lui, tous les noms qui sont vraiment des noms sont justes : il est impossible de parler faux (ψευδῆ λέγειν τὸ παράπαν οὐκ ἔστιν, 429 d). Socrate lui prouve par un exemple qu’on peut affirmer ou énoncer des faussetés. Cratyle le nie : en pareil cas, dit-il, on ne parle point ; on n’émet que du bruit ψοφεῖν, 430 a).

b (430 a-431 c). Mais Socrate démontre que le nom est, comme la peinture, une imitation de l’objet. Comme dans la peinture, l’imitation peut être inexacte. Il est donc possible de parler faux, c’est-à-dire d’attribuer inexactement les noms et les verbes. Et il en va de même pour les phrases.

c (431 c-433 c). Les mots eux-mêmes peuvent avoir été formés inexactement. Quand il s’agit d’un nombre, toute suppression ou addition qu’on y opère en fait aussitôt un autre nombre. Mais le nom est une image ; pour rester image, il ne doit pas être un double exact de l’objet ; il suffit qu’il en représente l’essentiel. Cette image existera, même si elle ne renferme pas tous les traits appropriés. Si elle les contient tous, le nom sera bien établi ; il le sera mal, si ces traits ne s’y retrouvent qu’en petit nombre.

d (433 c-435 c). Cratyle n’accepte ces conclusions qu’à contre-cœur. Il a peine à convenir qu’il existe des noms mal faits. Socrate reprend alors l’étude des éléments ; il lui fait voir, par un exemple, qu’un nom peut être compris de ceux qui l’emploient, bien qu’il renferme des éléments incompatibles avec la notion qu’il exprime. L’usage (ἔθος) se substitue ici à la ressemblance (ὁμοιότης) comme moyen de représenter (δήλωμα). Il serait à souhaiter que les noms fussent autant que possible semblables aux objets ; mais en fait on doit y admettre une part de convention (συνθήκη).

II (435 c-439 b) :

a (435 d-437 d). Quelle est la vertu (δύναμις) des noms ? C’est d’enseigner (διδάσκειν), dit Cratyle : quand on sait les noms, on connaît aussi les choses. Socrate lui objecte qu’on risque de se tromper dans la recherche des choses, si l’on prend les noms pour guides. Celui qui, le premier, a établi