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NOTICE

possible qu’une explication : cette parenthèse annonce que Platon reprend le ton de la moquerie, et que l’étude des éléments est à mettre sur le même pied que les étymologies.

Cette conclusion nous semble prématurée et excessive ; la pensée de Platon a plus de nuances[1]. Il n’est pas tout à fait juste de prétendre que la méthode décrite et annoncée comme indispensable est entièrement abandonnée dans l’étude des éléments. Socrate fait un certain effort pour les classer : il groupe sous le même chef φ, ψ, σ, ζ, comme « comportant une aspiration » ; plus loin, il cite ensemble les deux dentales δ et τ, et il montre l’effet du groupe γλ. Il essaie de même de classer les notions auxquelles répondent les lettres étudiées : mobilité, légèreté, agitation, glissement, se ramènent à la notion de mouvement[2]. Il n’est pas démontré que les remarques relatives à l’α, à l’η, à l’ο, soient d’une absurdité voulue. Est-il sûr que dans l’α et l’η Socrate considère, non la valeur des sons, mais la forme des signes qui les représentent, comme si l’écriture avait précédé le langage[3] ? L’emploi du mot γράμμα ne prouve pas qu’il confonde en fait le son avec la lettre qui le désigne : dans ce qui précède, la confusion n’est commise en aucun endroit ; partout Socrate y considère les sons. S’il s’agissait de la forme, on ne voit pas sur quoi il se fonderait pour réserver la « grandeur » à Α et Η plutôt qu’à telles autres lettres, Ι, Υ, par exemple. On peut aussi bien admettre qu’il parle des sons[4], car la voyelle longue η se retrouve dans μῆκος ; il est vrai que l’α n’est pas long de nature, mais long ou bref suivant les cas, et que dans le mot μέγας il n’est long qu’au nominatif singulier

  1. En ce qui concerne le mouvement, m’écrit M. Diès, ce n’est pas à κίνησις, mais à φορά que pense directement Platon quand il parle de « toute espèce possible de κίνησις ».
  2. Il n’est pas exact de dire, comme le fait Walther Freymann (Platons Suchen nach einer Grundlegung aller Philosophie, Leipzig, 1980, p. 127), que Platon cherche ici à reproduire phonétiquement la doctrine d’Héraclite sur le mouvement. C’est le mouvement qu’expriment, sans doute, la plupart des consonnes examinées par Socrate ; mais il mentionne aussi le δ et le τ, qui marquent l’arrêt ; le ν, qui indique « l’intérieur » ; et il note l’effet du γ, qui est de ralentir le glissement du λ dans le groupe γλ.
  3. Horn, O. l., p. 50.
  4. Schäublin, o. l., p. 95, note.