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INTRODUCTION

disons le mot, exorcise le rire menaçant. Il en parle comme s’il en était obsédé, il prononce, en moins d’une page, huit fois le mot « risible » ou « faire rire », une fois le mot « raillerie », une fois le mot « parodie comique », y revient deux ou trois fois au cours des pages suivantes, et, s’acharnant à montrer que ces railleries sont retardataires, injustes et ridicules, achève enfin cette lutte contre « la première vague » par une phrase où il prononce le mot « risible » trois fois en quatre lignes[1]. Puis c’est fini ; Platon a posé et fait accepter le grand principe : « Il n’y a de honte qu’en ce qui est nuisible » ; armé de ce principe, il affronte la seconde vague, y entre délibérément, la traverse et en sort sans avoir une seule fois prononcé le mot « rire ». Ignore-t-il cependant la comédie autant que cette gravité indifférente le ferait croire ? Nullement. Il ne le pouvait, d’ailleurs, car de quelle façon traiter le même thème sans rencontrer les mêmes idées ? Hérodote, nous l’avons vu, disait déjà (IV, 104) que la communauté des femmes établit entre tous la parenté et l’harmonie. Le Blépyros d’Aristophane demande (635) : « Comment reconnaîtra-t-on ses enfants » ? Réponse : « Les enfants regarderont comme leurs pères tous les hommes d’une génération plus âgée. » Réplique : « Alors, on étranglera tous les vieillards, puisqu’on étrangle déjà ses parents. » Glaucon pose à Socrate la même question : « Comment reconnaître son père, sa fille ? » (461 d). Réponse : « On ne les reconnaîtra pas, mais on établira, d’après les âges, certaines affinités pour éviter les incestes, et cette parenté universelle sera le grand bienfait de la cité, dont elle fera une seule famille, un seul homme » (461 e-465 d). Le respect et la crainte, en tout cas, empêcheront toujours qu’un jeune homme porte la main sur un vieillard (465 b).

    la République. L’une de ces dames-officiers est la femme d’un Thrasymaque (fr. 56) : pourquoi y chercher le souvenir d’un dialogue Thrasymaque, alors que le nom est si indiqué dans une comédie pour le mari d’une « colonelle » ? Une telle allusion eût été, d’ailleurs, bien peu naturelle, car ce n’est pas Thrasymaque, c’est Socrate qui eût exposé, dans ce dialogue, ce plan d’exercices féminins.

  1. Voir 452 a γελοῖα.. γελοιότατον — 452 b γελοῖον.. σκώμματα — 452 c γελοῖα — 452 d κωμῳδεῖν.. γελοῖον (bis) ..γελωτοποιεῖν.. γελοίου et 457 b γελῶν.. γελοίου.. γελᾷ..