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LETTRE II

la formule mystérieuse qui énonce les trois principes d’existence. L’Idée du Bien, suprême dans tout ordre de réalité, constitue le principe auquel tout se rapporte et en premier lieu les Intelligibles qui reçoivent d’elle leur raison dernière. Ce qui existe ensuite de plus apparenté à l’Idée du Bien, c’est le νοῦς, l’esprit organisateur du cosmos, principalement de l’âme du monde et des âmes humaines. Vient en dernière ligne cette âme du monde, principe d’existence encore, puisque c’est d’elle que le νοῦς démiurge a tiré la substance dont seront formées les âmes humaines. Si l’interprétation néo-platonicienne est exacte, ce passage dénote déjà une tentative de systématisation des doctrines de Platon, et nous aurions ici un prélude des fameuses triades déjà en vogue à l’Académie au temps de Speusippe et surtout de Xénocrate, et dont l’école alexandrine a particulièrement abusé.

Mais l’épistolier a bien pu aussi ne pas avoir d’idée tellement précise et cacher, sous des expressions ramassées au hasard de ses lectures à travers les Dialogues, une pensée mal définie. Certains rapprochements de formules, comme celles de la République VI, 511 d, par exemple, du Timée, 41 d et de la Lettre, 312 e : δεύτερον δὲ περὶ τὰ δεύτερα, καὶ τρίτον περὶ τὰ τρίτα, laisseraient croire facilement à une collection de centons qu’il serait peu sûr d’interpréter trop strictement. Cette dernière remarque nous amène à discuter le problème de l’authenticité de la Lettre.


L’authenticité.

Si l’on considère le ton de la Lettre, un peu bourru par endroits, mais dans l’ensemble sympathique et confiant, et la manière dont sont envisagés les rapports présents ou futurs entre Denys et Platon, on ne peut assigner d’autre date à cet écrit que la période antérieure au troisième voyage en Sicile. Après la rupture définitive qui mit fin au dernier séjour à Syracuse, un tel langage serait inintelligible. — D’autre part, plusieurs indices témoigneraient d’une époque beaucoup plus tardive : l’allusion au pèlerinage d’Olympie (310 d) paraît bien être une réplique du récit de la 7e lettre (350 b) relatant un événement postérieur à la rupture ; les relations d’amitié que suppose une demande très particulière de Speusippe au tyran (314 e) s’expliquent difficilement si ce dernier ne connaît pas personnellement le neveu de Platon. Or, Speusippe ne