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NOTICES

serait-il pas préférable de s’en tenir à l’interprétation néo-platonicienne qui est restée traditionnelle ? Le Premier, expliquait Plotin, c’est le Bien, le Bien qui est au-dessus du νοῦς, au-dessus de l’essence ; le Second, c’est l’intelligence, la cause qui joue le rôle de démiurge, et c’est elle qui forme dans le cratère le troisième principe, ou l’âme. La cause étant l’intelligence, Platon nomme père le Bien absolu, le principe supérieur à l’Intelligence et à l’essence ; il enseigne que du Bien naît l’Intelligence, et, de l’Intelligence, l’âme[1].

Proclus précise davantage[2] : le Premier, principe de toute chose, est même la source de toute divinité, car il est origine (ἀρχή), cause (αἴτιον), fin (τέλος) de toute existence. Vers lui tendent tous les êtres. Aussi ne pouvons-nous exprimer sa nature, mais seulement les relations dont il est le terme. À lui seul convient proprement la forme de la divinité (αυτοθεότης) qu’il communique aux autres dieux ; de même la nature propre aux esprits provient du premier νοῦς et l’animation, de la première âme.

En fait, si l’on se reporte au VIe et au VIIe livre de la République, on ne peut s’empêcher d’établir un rapprochement entre le πρῶτον de la Lettre et l’Idée du Bien décrite par le dialogue. Ici et là, le domaine de ce principe suprême est universel ; il s’étend à tout : πάντων βασιλέα (Lettre, 312 e), ἐπέκεινα τῆς οὐσίας πρεσβείᾳ καὶ δυνάμει ὑπερέχοντος (Républ., VI, 509 b) … βασιλεύειν τὸ μὲν νοητοῦ γένους (Républ., VI, 509 d) ; ultime fin de toute réalité, le Premier voit graviter tous les êtres autour de lui, il en est l’explication et l’intelligibilité dernière ; en lui réside la source de toute beauté : καὶ ἐκεῖνο αἴτιον ἁπάντων τῶν καλῶν (Lettre, 312 e) … πᾶσι πάντων αὕτη ὀρθῶν τε καὶ καλῶν αἰτία (Républ., VII, 517 c). Il semble donc que l’on doive identifier le Premier à l’Idée du Bien. Les deux autres termes sont insuffisamment caractérisés, mais, d’après l’auteur de la Lettre, l’âme a parenté avec eux. Dès lors, ne peut-on conjecturer qu’ils désignent le νοῦς et l’âme du monde, le νοῦς démiurge du Timée ou le νοῦς royal du Philèbe (30 d), et l’âme universelle, œuvre de l’activité organisatrice du νοῦς, si on se rappelle l’origine des âmes humaines, telle que l’expose le Timée. On comprendrait ainsi

  1. Ennéades, V, 1, 8.
  2. In Parmenidem, VI (Édit. Cousin, 1821, t. VI, pp. 86, 87).