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HIPPARQUE OU L’HOMME CUPIDE

t-il, à ton avis, qu’il en pâtira et qu’il court le risque de se perdre lui-même et de perdre le vaisseau avec toute sa cargaison ?

Le disciple. — Non certes.

Socrate. — Il ne pense donc pas faire un gain avec un équipement cqui ne vaut rien.

Le disciple. — Non, en effet.

Socrate. — Mais le général sachant que son armée a des armes qui ne valent rien, s’imagine-t-il, de ces armes, tirer un gain et compte-t-il sur un gain ?

Le disciple. — Nullement.

Socrate. — Mais le joueur de flûte, qui n’a qu’une flûte sans valeur, le joueur de cithare, l’archer, qui n’ont qu’une lyre ou un arc de même genre, en un mot n’importe quel artisan, n’importe quel homme sensé qui se sert d’instruments ou de tout autre appareil sans valeur, croient-ils avec eux faire un gain ?

dLe disciple. — Il ne le paraît pas en tout cas.

Socrate. — Quels sont donc, d’après toi, les gens cupides ? Ce ne sont toujours pas ceux mentionnés plus haut qui, connaissant la non-valeur des choses espèrent en tirer profit. Mais alors, mon admirable ami, selon ta définition, il n’est personne qui soit cupide.

Le disciple. — Eh bien ! Socrate, je veux dire que ceux-là sont cupides qui, dans leur insatiable avidité, ne cessent d’avoir un appétit démesuré epour des objets tout à fait insignifiants et de peu de valeur ou même d’aucune, et y cherchent leur gain.

Socrate. — Du moins, mon cher, ce n’est pas en sachant qu’ils n’ont pas de valeur, car nous venons de nous convaincre que c’était impossible.

Le disciple. — Je le pense également.

Socrate. — Si donc ils ne le savent pas, évidemment ils l’ignorent, mais ils regardent ce qui n’a pas de valeur comme en ayant, au contraire, beaucoup.

    souvent à reproduire cette manière affectée et précieuse des sophistes. Voir, par exemple, dans le Banquet, 185 c : Παυσανίου δὲ παυσαμένου διδάσκουσι γὰρ με ἴσα λέγειν οὑτωσὶ οἱ σοφοί…, ou encore dans Gorgias : …ὦ λῷστε Πῶλε, ἵνα προσείπω σε κατὰ σέ (467 b).