Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 2.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
SECOND ALCIBIADE

Conclusion étrange, car il y a de par le monde si peu de gens qui jouissent pleinement du bon sens ! Les regarderons-nous tous comme des fous ? Ce serait fort désagréable de songer qu’il nous faut vivre avec tant de fous ici-bas. Les faits obligent donc à reviser le raisonnement.


Deuxième partie,
139 c-143 c.

L’induction nous permettra de corriger notre affirmation précédente. La maladie est le contraire de la santé. Mais la maladie est un genre qui se subdivise en espèces : tous ceux qui sont malades ne sont pas sujets au même mal. — Nous en dirons autant de l’ἀφροσύνη. Elle est également un genre qui comprend bien des espèces et bien des degrés : il y a la μανία, mais il y a aussi la μεγαλοψὑχία, et d’autres… Voilà donc mise au point la proposition énoncée plus haut de façon incomplète. Cependant, nous devons retrouver dans les espèces l’élément commun, constitutif du genre. Quelle est la caractéristique de ἀφροσύνη ? Pour la découvrir, déterminons celle de son contraire. Le propre du φρόνιμος est de savoir ce qu’il faut dire et faire. Celui de l’ἄφρων sera donc d’ignorer l’un et l’autre. Un ignorant, au fond, tel était Œdipe, — et tels sont encore ceux qui, sans être fous comme lui, ne savent pas et demandent des maux, croyant que ce sont des biens. Alcibiade lui-même, si un dieu venait lui promettre la tyrannie, ne se posséderait plus de joie. Sait-il pourtant si elle lui serait ou non profitable ? Donc, il est imprudent d’accepter ainsi au petit bonheur une offre ou de solliciter quoi que ce soit. De nombreux exemples pourraient illustrer cette thèse : exemples de tyrans qui ont trouvé dans le pouvoir, objet de leurs désirs, la cause de leurs malheurs, exemples de parents qui avaient souhaité la naissance d’enfants, sans prévoir l’avenir… Il est donc plus sage de prier suivant la formule très générale inspirée par un poète : ô Dieu, accorde-nous les biens ; écarte de nous le mal.


Troisième partie,
143 c-150 b.

C’est donc l’ignorance du bien qui vicie la prière. Dans certains cas pourtant, l’ignorance est préférable. C’est lorsqu’on s’imagine que l’on connaît ce qui est bien, et qu’en fait on ne le sait pas. La fausse science est ce qu’il y a de pire. Elle rend dangereuse toute érudition, et mieux vaut ignorer que