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SECOND ALCIBIADE


Le Second Alcibiade
et le stoïcisme.

Quelques critiques ont cru discerner dans le dialogue des tendances cyniques ou stoïciennes. Telle est, par exemple, l’opinion de Andreatta, de Karl Joël et de Raeder[1]. L’esprit qui anime ce petit écrit, affirment-ils, est, en somme, peu platonicien et rappelle davantage Zénon. Les développements des premières pages, où l’auteur relie à la notion de folie (μανία) celle d’ἀφροσύνη, ne sont-ils pas une paraphrase du fameux thème cynico-stoïcien ὅτι πᾶς ἄφρων μαίνεται ? De plus, le mode de prière recommandé dans le second Alcibiade est celui même que prônait le Socrate des Mémorables, et que Diogène le Cynique conseillait également[2].

Ces raisons me paraissent insuffisantes à prouver la thèse qu’on se propose d’établir. Une étude attentive des textes montre combien le sens des formules auxquelles on se réfère s’écarte des conceptions stoïciennes. Loin d’admettre, comme les Stoïciens, que l’ἀφροσύνη puisse se ramener à la μανία, l’auteur du second Alcibiade rejette, au contraire, une pareille assimilation. Il fait de l’ἀφροσύνη un genre très général qui comprend bien des espèces, dont l’une est la μανία. Mais ce genre passe par toute sorte de degrés et va s’atténuant jusqu’à ne plus signifier que la simple sottise ou l’imprudence[3].

Quant à la forme de prière suggérée par Socrate, si on la trouve chez les Cyniques, elle était de même employée par les Pythagoriciens, comme en témoigne Diodore (X, 7). Or, c’est plutôt à ces derniers que l’emprunte le pseudo-Platon. Les deux vers cités dans le dialogue à l’appui de la recommandation, nous ont été précisément conservés, avec quelques modifications, par le grammairien Orion, comme provenant d’ouvrages pythagoriciens[4].

Ajoutons encore que plusieurs autres indices contredisent

  1. B. Andreatta, De libro qui Alcibiadis secundi nomen in fronte gerit Platoni abiudicando, disput. Trient, 1870, Pr. ; Karl Joël, Der echte und der xenophontische Sokrates, Bd. I, p. 554 ; H. Raeder, Platons philosophische Entwickelung, p. 23.
  2. Xénophon, Mémorables I, 3, 2 ; Diogène apud Iul. in or. VI, 199 b ; Diogène-Laërce VI, 42. — Cf. K. Joël, l. c.
  3. 139 c-140 d.
  4. Alcibiade II, 143 a et Stob., Floril. IV, 257.