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NOTICE

formellement l’hypothèse de l’origine stoïcienne du second Alcibiade. Tandis que, par exemple, pour les Stoïciens, comme pour les Cyniques, la μεγαλοψυχία est la vertu par excellence, l’auteur du dialogue, au contraire, la considère comme un vice, une des manifestations de l’ἀφροσύνη (140 c). Il est également curieux, remarque justement Bickel[1], que la fameuse prière des Lacédémoniens, présentée comme la prière modèle par le Socrate du second Alcibiade, ait été amputée de l’addition signalée par Plutarque qui confirme le renseignement, mais le complète : les Lacédémoniens, nous dit-il, ajoutent à leurs demandes celle de pouvoir supporter les injustices[2]. Or, cette addition pourrait bien être d’inspiration stoïcienne. L’éthique post-aristotélicienne aime, en effet, à insister sur une attitude d’âme qui dénote la force de caractère et distingue le μεγαλόψυχος[3].


Le second Alcibiade
et l’école d’Arcésilas.

L’opposition aux doctrines cynico-stoïciennes paraît donc manifeste. Faut-il dès lors rattacher le dialogue aux courants philosophiques qui réagirent contre une interprétation nouvelle du stoïcisme ? L’école d’Arcésilas, héritière des tendances platoniciennes, s’est toujours déclarée hostile aux doctrines du Portique, et la lutte entre les chefs des deux écoles fut parfois très vive[4]. Le second Alcibiade ne serait-il pas un écho de ces polémiques ? Bickel l’a pensé[5]. Il interprète comme une attitude volontairement agressive cette opposition d’idées qui se manifeste de façon si nette dans le dialogue. Il croit aussi trouver un argument positif en faveur de sa thèse dans un passage où il reconnaît l’enseignement d’Arcésilas. « Ne te semble-t-il pas nécessaire, demande Socrate à son disciple, quand nous devons agir ou parler, que, d’abord, nous nous imaginions savoir, ou que nous

  1. Ein Dialog aus der Akademie des Arkesilas, dans Archiv für Gesch. der Phil. XVII, 4, 1904, p. 471, 472.
  2. Alcibiade ii, 148 c et Plutarque, Inst. Laced., 26, 239 a.
  3. Cf. le traité du pseudo-Aristote περὶ ἀρετῶν… 5, 1250 b, 38 ; voir aussi le développement du paradoxe stoïcien : le sage ne subit pas d’injustice, dans Von Arnim, Stoicorum Ueterum fragmenta, III, nos 578, 579, 580.
  4. Eusèbe, Praep. euangelica, 14, 733 b.
  5. Artic. cit.