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NOTICE

dieux et chercher à acquérir » (687 d-688 c). Dans le même esprit, le dialogue apocryphe recommande de ne pas solliciter les biens particuliers, car on ignore si, pour nous, ils sont effectivement des biens ou des maux, mais on s’en tiendra à la formule pythagoricienne ou lacédémonienne avec toute sa généralité.

Platon a souvent protesté contre une conception indigne de la prière qui assimile nos relations avec les dieux à un véritable marchandage : do ut des. Ainsi comprise, disait Socrate à Euthyphron, « la piété me fait l’effet d’une technique commerciale réglant les échanges entre dieux et hommes » (Euthyphron, 14 e). Les poètes racontent que les dieux se laissent facilement fléchir par les invocations et les sacrifices et que les dons extérieurs suffisent à purifier des plus grands crimes. Tels sont les enseignements d’Homère, de Musée, d’Orphée… Et ces doctrines se répandent dans le peuple au risque de favoriser les débordements de la passion[1]. Le livre X des Lois s’efforce de réagir contre pareille opinion et l’une des thèses qu’il se propose d’établir est précisément que les dieux ne se laissent pas fléchir par des présents ni engager dans des sentiers contraires à la justice (… ἢ παρὰ τὸ δίκαιον ὑπό τινων δώρων παρατρέπεσθαι κηλούμενοι 885 d). Penser différemment serait une impiété. Il faut donc que les jeunes gens se persuadent de ces vérités concernant les dieux ; ils ne doivent pas juger à la légère, mais attendre, en cherchant et en s’instruisant auprès des hommes compétents : … ἂν ἐμοὶ πείθῃ περιμενεῖς, ἀνασκοπῶν εἴτε οὕτως εἴτε ἄλλως ἔχει, πυνθανόμενος παρά τε τῶν ἄλλων καὶ δὴ καὶ μάλιστα καὶ παρὰ τοῦ νομοθέτου· ἐν δὲ δὴ τούτῳ τῷ χρόνῳ μὴ τολμήσῃς περὶ θεοὺς μηδὲν ἀσεβῆσαι (888 c, d). Le second Alcibiade ne dit pas autre chose. Là aussi, on trouve la même protestation contre ceux qui traitent les dieux comme de méchants usuriers facilement séduits par des présents : οὐ γὰρ οἶμαι τοιοῦτόν ἐστι τὸ τῶν θεῶν ὥστε ὑπὸ δώρων παράγεσθαι οἷον κακὸν τοκιστήν (149 e). Et la recommandation de prudence faite aux jeunes gens par l’Athénien des Lois, le Socrate du dialogue apocryphe, la prenant à son compte, l’adresse au jeune Alcibiade : celui-ci devra également se garder de toute témérité à l’égard des dieux, mais attendre

  1. Cf. République II, 364 d, e.