Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/130

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— Par conséquent, Simmias, les âmes existaient déjà avant d’être sous la forme humaine, séparées du corps et en possession de la pensée ?

— À moins, Socrate, que nous ne recevions ces connaissances au moment de notre naissance ; car il nous reste encore ce temps-là.

— Fort bien, camarade. Mais en quel autre temps les perdons-nous ? Nous ne naissons pas avec elles, nous venons d’en convenir. Les perdons-nous au moment même où nous les recevons ; ou peux-tu indiquer un autre temps ?

— Pas du tout, Socrate ; par mégarde, j’ai dit une sottise.

XXII. — Voici donc où nous en sommes, Simmias, reprit Socrate : si ces choses que nous avons toujours à la bouche, le beau, le bien et toutes les essences de cette nature existent réellement, si nous rapportons tout ce qui vient des sens à ces choses qui nous ont paru exister avant nous et nous appartenir en propre, et, si nous le comparons à elles, il faut nécessairement que, comme elles existent, notre âme existe aussi et antérieurement à notre naissance ; si elles n’existent pas, notre raisonnement tombe à plat. N’en est-il pas ainsi et n’est-ce pas une égale nécessité et que ces choses existent et que nos âmes aient existé avant nous, et que, si celles-là n’existent pas, celles-ci n’existent pas non plus ?

— C’est merveilleusement exact, à mon avis, Socrate, dit Simmias : c’est vraiment la même nécessité et ton argumentation a recours fort à propos à l’étroite liaison qu’il y a entre l’existence de l’âme avant notre naissance et l’essence dont tu parles. Car je ne vois rien de plus clair que ceci, c’est que le beau, le bien et toutes les autres choses de même nature dont tu parlais tout à l’heure existent d’une existence aussi réelle que possible. Et, pour ma part, je suis satisfait de la démonstration.

— Mais Cébès ? dit Socrate : car il faut aussi convaincre Cébès.

— Je pense, dit Simmias, qu’il est satisfait aussi, quoiqu’il soit le plus obstiné des hommes à se méfier des raisonnements. Cependant je crois qu’il est suffisamment persuadé que notre âme existait avant notre naissance.