Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/131

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XXIII. — Mais qu’elle doive encore exister après notre mort, je ne vois pas, moi non plus, Socrate, poursuivit-il, que cela soit démontré. Il reste à réfuter cette opinion du vulgaire dont Cébès parlait tout à l’heure. Le vulgaire, en effet, craint qu’au moment où l’homme meurt, son âme ne se dissipe et que ce ne soit là pour elle la fin de l’existence. Car qui empêche qu’elle ne naisse, qu’elle ne se forme de quelque autre chose et qu’elle n’existe avant d’entrer dans un corps humain, et que, lorsqu’elle y est entrée, puis s’en est séparée, elle ne finisse alors et ne périsse comme lui ?

— Bien parlé, Simmias, dit Cébès. Il me paraît en effet que Socrate n’a prouvé que la moitié de ce qu’il fallait démontrer, c’est-à-dire que notre âme existait avant notre naissance. Mais il fallait prouver aussi qu’elle n’existera pas moins après notre mort qu’avant notre naissance, pour que la démonstration fut complète.

— Elle est complète dès à présent, Simmias et Cébès, repartit Socrate, si vous voulez bien joindre cette preuve-ci à celle que nous avons approuvée précédemment, que tout ce qui vit naît de ce qui est mort. Si, en effet, l’âme existe déjà avant nous et si, quand elle vient à la vie et naît, elle ne peut naître d’aucune autre chose que de la mort et de ce qui est mort, ne faut-il pas nécessairement aussi qu’elle existe encore après la mort, puisqu’elle doit revenir à la vie ? Ainsi la preuve que vous demandez a déjà été donnée.

XXIV. — Je vois bien cependant que Cébès et toi, vous seriez bien aises d’approfondir encore davantage la question, et que vous craignez, comme les enfants, qu’au moment où l’âme sort du corps, le vent ne l’emporte et ne la dissipe réellement, surtout lorsqu’à l’heure de la mort le temps n’est pas calme, mais qu’il souffle un grand vent. »

Sur quoi Cébès, se mettant à rire : «Prends que nous avons peur, Socrate, dit-il, et tâche de nous persuader, ou plutôt imagine-toi, non que nous ayons peur, mais que peut-être il y a en nous un enfant que ces choses-là effraient, et tâche de le persuader de ne pas craindre la mort comme un croquemitaine.

— Eh bien, dit Socrate, il faut lui chanter des incantations tous les jours jusqu’à ce qu’il soit exorcisé.

— Où trouver, Socrate, répliqua-t-il, un bon enchanteur contre ces frayeurs, quand toi, dit-il, tu nous abandonnes ?