Page:Platon - Le Banquet ; Phèdre (trad. Chambry), 1991.djvu/37

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Après avoir échangé ces propos, nous nous mîmes en marche. Or, pendant la route, Socrate s’enfonçant dans ses pensées resta en arrière ; comme je l’attendais, il me dit d’aller devant. Quand je fus à la maison d’Agathon, je trouvai la porte ouverte et il m’arriva une plaisante aventure. Aussitôt en effet un esclave vint de l’intérieur à ma rencontre et me conduisit dans la salle où la compagnie était à table, sur le point de commencer le repas. Dès qu’Agathon m’eut aperçu : « Tu viens à point, dit-il, Aristodème, pour dîner avec nous ; si tu viens pour autre chose, remets-le à plus tard ; hier même je t’ai cherché pour t’inviter, sans pouvoir te découvrir ; mais comment se fait-il que tu n’amènes pas Socrate ? » Je me retoume alors, mais j’ai beau regarder : point de Socrate sur mes pas. « je suis réellement venu avec Socrate, dis-je, et c’est lui qui m’a invité à dîner chez vous.— C’est fort bien fait, mais où est-il, lui ?— Il venait derrière moi tout à l’heure ; mais je me demande, moi aussi, où il peut être.— Enfant, dit Agathon, va vite voir où est Socrate et amène-le. Quant à toi, Aristodème, mets-toi près d’Éryximaque. »

III. — Alors l’enfant me lava les pieds pour que je prisse place à table, et un autre esclave vint annoncer que ce Socrate qu’il avait ordre d’amener, retiré dans le vestibule de la maison voisine, n’en bougeait pas, qu’il avait pu beau l’appeler, il ne voulait pas venir. « Voilà qui est étrange, dit Agathon ; cours l’appeler et ne le laisse pas partir.— Non pas, dis-je, laissez-le ; c’est une habitude à lui. Il lui arrive parfois de s’écarter n’importe où et de rester là ; il va venir tout à l’heure, je pense ; ne le dérangez pas, laissez-le tranquille.— Laissons-le, si c’est ton avis, dit Agathon ; quant à vous autres, servez-nous, enfants. Vous êtes absolument libres d’apporter ce que vous voudrez, comme vous faites quand il n’y a personne pour vous commander : c’est une peine que je n’ai jamais prise. Figurez-vous que moi et les hôtes que voici, nous sommes vos invités et soignez-nous, afin qu’on vous fasse des compliments.« 

Dès lors nous nous mîmes à dîner ; mais Socrate ne venait pas ; aussi Agathon voulait-il à chaque instant l’envoyer chercher ; mais je m’y opposais toujours. Enfin Socrate arriva, sans s’être attardé aussi longtemps que