Page:Platon - Le Banquet ; Phèdre (trad. Chambry), 1991.djvu/38

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d’habitude, comme on était à peu près au milieu du dîner. Alors Agathon, qui occupait seul le dernier lit, s’écria : « Viens t’asseoir ici, Socrate, près de moi, afin qu’en te touchant tu me communiques les sages pensées qui te sont venues dans le vestibule ; car il est certain que tu as trouvé ce que tu cherchais et que tu le tiens, sans quoi tu n’aurais pas bougé de place. »

Alors Socrate s’assit et dit : « Il serait à souhaiter, Agathon, que la sagesse fût quelque chose qui pût couler d’un homme qui en est plein dans un homme qui en est vide par l’effet d’un contact mutuel, comme l’eau passe par l’intermédiaire du morceau de laine de la coupe pleine dans la coupe vide (7). S’il en est ainsi de la sagesse, je ne saurais trop priser la faveur d’être assis à tes côtés ; car je me flatte que ton abondante, ton excellente sagesse va passer de toi en moi et me remplir ; car pour la mienne, elle est médiocre et douteuse, et semblable à un songe ; mais la tienne est brillante et prête à croître encore, après avoir dès ta jeunesse jeté tant de lumière et s’être révélée avant-hier avec tant d’éclat à plus de trente mille spectateurs grecs.— Tu railles, Socrate, dit Agathon ; mais nous trancherons cette question de sagesse un peu plus tard, toi et moi, en prenant Dionysos pour juge ; pour le moment, songe d’abord à dîner. »

IV. — Dès lors Socrate prit place sur le lit, et quand lui et les autres convives eurent achevé de dîner, on fit des libations, on célébra le dieu, enfin, après toutes les autres cérémonies habituelles (8), on se mit en devoir de boire. Alors Pausanias prit la parole en ces termes : « Allons, amis, voyons comment nous régler pour boire sans nous incommoder ? Pour moi, je vous déclare que je suis réellement fatigué de la débauche d’hier et que j’ai besoin de respirer, comme aussi, je pense, la plupart d’entre vous ; car vous étiez de la fête d’hier. Avisez donc à boire de façon à nous ménager ». Aristophane répondit : « C’est bien dit, Pausanias, il faut absolument nous donner du relâche ; car moi aussi je suis de ceux qui se sont largement arrosés hier ».

À ces mots Érixymaque, fils d’Acoumène, prit la parole : « Vous parlez d’or ; mais je veux demander encore à l’un de vous s’il est dispos pour boire : c’est Agathon. — Moi non plus, répondit Agathon, je ne suis pas bien en train.— C’est bien heureux, reprit Érixymaque, pour moi, pour Aristodème,