Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/304

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mesuré pour le raconter dignement. D’ailleurs les poètes ont déjà célébré magnifiquement dans leurs chants et signalé leur valeur à tout l’univers. Si donc nous entreprenions nous-mêmes de glorifier les mêmes exploits en simple prose, nous paraîtrions peut-être inférieurs à eux. En conséquence je crois devoir les passer sous silence, d’autant plus qu’ils ont déjà leur récompense ; mais ceux dont aucun poète jusqu’ici n’a tiré un renom digne de ces dignes sujets et qui attendent encore un panégyriste, voilà ceux que je crois devoir rappeler, en les louant et en engageant d’autres à les chanter dans des odes et les autres genres de poèmes d’une manière digne de ceux qui les ont accomplis. Des hauts faits dont je parle, voici les premiers.

Quand les Perses, maîtres de l’Asie, tentèrent d’asservir l’Europe, ils furent arrêtés par les fils de ce pays, nos ancêtres, qu’il est juste et indispensable de mentionner d’abord pour louer leur valeur. Il faut donc la considérer, si l’on veut bien la louer, en se transportant par la pensée à cette époque où toute l’Asie était asservie à un roi qui était alors le troisième. Le premier de ces rois, Cyrus, ayant par son courage altier affranchi les Perses, ses compatriotes, avait du même coup subjugué leurs maîtres, les Mèdes, et réduit sous son pouvoir le reste de l’Asie jusqu’à l’Égypte. Son fils avait soumis toutes les parties de l’Égypte et de la Libye où il avait pu pénétrer. Le troisième, Darius, avait porté sur terre les limites de son empire jusqu’à la Scythie et ses flottes dominaient la mer et les îles, si bien que personne n’osait lui tenir tête. Dans le monde entier les âmes lui étaient asservies, tant étaient nombreux, grands et belliqueux les peuples courbés sous le joug de l’empire perse !

X. — Or Darius nous accusa, nous et les Érétriens, d’avoir ourdi un complot contre Sardes. Sous ce prétexte, il envoya cinq cent mille hommes sur des vaisseaux de charge et de guerre, et trois cents navires de guerre. Il en donna le commandement à Datis et lui ordonna de lui amener à son retour les Érétriens et les Athéniens, s’il voulait garder sa tête. Datis, ayant fait voile vers Érétrie, contre des hommes qui étaient les plus réputés des Grecs de ce temps-là dans l’art de la guerre et qui étaient en assez grand nombre, les soumit en trois jours et, pour n’en laisser échapper aucun, il fouilla tout leur pays de la manière suivante. Parvenus à la frontière d’Érétrie, ses soldats s’étendirent d’une mer à l’autre et parcoururent tout le territoire en se donnant la main, afin de pouvoir dire au roi que personne ne leur avait échappé. Dans le même dessein, ils quittèrent Érétrie pour débarquer à Marathon, persuadés qu’il leur serait facile de ramener les Athéniens, après les avoir mis sous le joug comme les