Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/309

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sut pas endurcir son cœur et s’en tenir à sa résolution de ne défendre de la servitude aucun de ceux qui lui avaient fait tort : elle se laissa fléchir et leur prêta son assistance, et, en intervenant elle-même, elle délivra les Grecs de la servitude, si bien qu’ils ont été libres jusqu’au jour où ils se sont remis eux-mêmes sous le joug. Quant au roi, elle n’osa pas lui venir en aide elle-même, par respect pour les trophées de Marathon, de Salamine et de Platées ; elle permit seulement aux exilés et aux volontaires d’aller à son secours et, de l’aveu de tous, elle le sauva ainsi. Puis, après avoir relevé ses murs et construit des vaisseaux, elle accepta la guerre quand elle y fut contrainte et la fit contre les Lacédémoniens pour défendre les Pariens.

XVII. — Mais le roi eut peur de notre ville, quand il vit les Lacédémoniens renoncer à la guerre maritime. Désireux de quitter notre alliance, il réclama les Grecs du continent, que les Lacédémoniens lui avaient livrés précédemment, si l’on voulait qu’il continuât son concours à nous et à nos alliés. Ils s’attendaient à un refus, qui servirait de prétexte à sa désertion. Et il fut déçu du côté des autres alliés : les Corinthiens, les Argiens, les Béotiens et le reste des alliés consentirent à cet abandon ; ils convinrent et jurèrent, s’il voulait leur fournir de l’argent, de livrer les Grecs du continent. Seuls, nous n’eûmes pas le cœur de les lui abandonner ni de prêter serment. Et si les sentiments généreux et libres de notre ville sont si fermes, si sains et si naturellement hostiles au barbare, c’est que nous sommes des Grecs pur sang, sans mélange de barbares. Il n’y a point de Pélops, de Cadmos, d’Égyptos, de Danaos, sans parler de tant d’autres, barbares de nature et grecs par la loi, qui vivent côte à côte avec nous ; nous sommes de vrais Grecs, sans alliage de barbares, d’où la haine sans mélange dont notre cité est imbue pour la race étrangère. Quoi qu’il en soit pourtant, nous fûmes de nouveau réduits à l’isolement pour n’avoir pas voulu commettre une action honteuse et impie en livrant des Grecs à des barbares. Nous fûmes dès lors ramenés à la même situation qui avait auparavant causé notre défaite ; mais, avec l’aide de Dieu, nous terminâmes la guerre plus heureusement qu’alors ; car nous gardâmes notre flotte, nos murs et nos propres colonies à l’issue des hostilités, tant les ennemis eux-mêmes étaient contents d’en avoir fini avec la guerre ! Cependant nous perdîmes encore de braves soldats dans cette guerre, à Corinthe, par le désavantage du lieu, et à Léchaeon par la trahison. C’étaient aussi des braves, ceux qui délivrèrent le roi et chassèrent de la mer les Lacédémoniens. Je les rappelle, moi, à votre souvenir ; pour vous, vous devez joindre vos louanges aux miennes et glorifier ces héros.