Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/310

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XVIII. — Telles sont les actions des hommes qui reposent ici et des autres qui sont morts pour la patrie. Celles que j’ai rapportées sont nombreuses et belles, mais beaucoup plus nombreuses encore et plus belles celles que j’ai omises ; plusieurs jours et plusieurs nuits ne suffiraient pas à les citer toutes. Que chacun donc, en souvenir d’eux, recommande à leurs descendants, comme à la guerre, de ne pas déserter le poste de leurs ancêtres et de ne pas reculer en cédant à la lâcheté. Aussi moi-même, enfants d’hommes valeureux, je vous le recommande en ce jour, et, à l’avenir, partout où je rencontrerai l’un de vous, je le lui rappellerai et je continuerai de vous exhorter à tâcher de vous rendre les meilleurs possible. Quant à présent, je dois vous répéter ce que les pères nous ont chargés de rapporter à ceux qu’ils laisseraient, s’il leur arrivait malheur, au moment où ils allaient affronter le danger. Je vous dirai donc à la fois ce que je leur ai entendu dire à eux-mêmes et ce qu’ils voudraient vous dire, s’ils en avaient le pouvoir, en me fondant sur ce qu’ils disaient alors. Représentez-vous donc que c’est de leur propre bouche que vous entendez ce que je vais vous rapporter. Voici leurs paroles :

XIX. — « O enfants, que vous soyez fils de vaillants hommes, la cérémonie actuelle suffit à le démontrer. Nous pouvions vivre sans honneur, mais nous préférons vivre avec honneur plutôt que de vous condamner à l’infamie, vous et votre postérité, plutôt que de déshonorer nos pères et tous nos ascendants, persuadés que la vie est impossible à celui qui déshonore les siens et qu’un tel homme ne saurait être aimé de personne ni chez les hommes ni chez les dieux, ni sur terre ni sous terre après sa mort. Rappelez-vous donc nos paroles et, à quoi que vous vous appliquiez, n’oubliez pas la vertu, certains que sans elle tout ce qu’on acquiert et tout ce qu’on fait tourne à la honte et au mal. Car ni la richesse ne donne de lustre à celui qui la possède en lâche, puisque c’est pour autrui qu’un tel homme est riche, et non pour lui-même, ni la beauté et la force physiques, quand elles se rencontrent chez un lâche et un méchant, n’y paraissent à leur place, mais y sont malséantes ; elles mettent plus en vue leur possesseur et manifestent sa lâcheté. Enfin toute science séparée de la justice et des autres vertus n’est visiblement que rouerie, non sagesse. En conséquence, que votre premier et votre dernier soin, votre soin constant soit en tout et toujours de tâcher avant tout de nous surpasser en renommée, nous et nos devanciers. Sinon, sachez-le : si nous vous surpassons en vertu, cette victoire fait notre honte, tandis que la défaite, si nous avons le dessous, nous apporte du bonheur. Or, le meilleur moyen pour que nous soyons