La voici. Si l’on nous demandait : Est-il possible, quand on a eu connaissance de quelque chose et qu’on en a, qu’on en conserve le souvenir, qu’au moment où l’on s’en souvient, on ne sache pas cette chose même qu’on se rappelle ? Voilà une longue phrase, ce me semble, pour te demander si, quand on a appris quelque chose, on ne le sait pas quand on s’en souvient.
Comment ne le saurait-on pas, Socrate ? Ce serait un prodige, ce que tu dis là.
Ne saurais-je donc moi-même ce que je dis ? Fais attention. Ne dis-tu pas que voir, c’est sentir, et que la vision est sensation ?
Si.
Or, d’après ce que nous venons de dire, celui qui a vu une chose n’a-t-il pas acquis la connaissance de ce qu’il a vu ?
Si.
Et maintenant, tu admettras bien que la mémoire est quelque chose ?
Oui.
Est-elle mémoire de rien ou de quelque chose ?
De quelque chose assurément.
De choses qu’on a apprises et qu’on a senties, de choses comme cela ?
Naturellement.
Or ce qu’on a vu, il arrive, n’est-ce pas, qu’on s’en souvient ?