Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/137

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mais moi, Mégadore, et les autres pauvres, nous ne sommes pas plus à l'aise qu’on ne croit.

MÉGADORE. Si fait, et puissent les dieux vous conserver et augmenter ce que vous avez.

EUCLION, à part. Ce que j’ai ! voilà un mot qui ne me va guère. Il sait aussi bien que moi ce que j’ai : la vieille a bavardé.

MÉGADORE. Pourquoi donc vous parlez-vous tout seul ?

EUCLION. Je songeais à vous faire les reproches que vous méritez.

MÉGADORE. Qu’y a-t-il ?

EUCLION. Ce qu’il y a ? Vous remplissez de voleurs tous les coins de ma pauvre maison ; vous fourrez chez moi cinq cents cuisiniers, qui ont chacun six mains, toute une séquelle de petits Géryons[1]. Argus, qui était tout yeux, et que Junon donna pour gardien à Ino, ne viendrait pas à bout de les surveiller. Et avec cela une joueuse de flûte capable de mettre à sec la fontaine corinthienne de Pirène, s’il en coulait du vin. Et les provisions !

MÉGADORE. Eh bien, il y en a de quoi traiter toute une légion. J’ai envoyé aussi un agneau.

EUCLION. Ah ! un agneau ! je n’ai jamais vu de bête si décharnée.

MÉGADORE. Que voulez-vous dire avec votre agneau décharné ?

EUCLION. Il n’a que la peau et les os, une vraie carcasse. On peut voir ses boyaux au soleil, tout vivant qu’il est. Une lanterne de Carthage n’est pas plus transparente.

MÉGADORE. Je l’ai acheté pour le tuer.

EUCLION. Vous feriez bien mieux de payer pour le mettre en terre, car je crois qu’il est déjà mort.

MÉGADORE. Je me promets de boire aujourd’hui un bon coup avec vous, Euclion.

EUCLION. Je ne pense guère à boire.

MÉGADORE. Je vous enverrai de chez moi un baril de vin vieux.

EUCLION. Bien obligé, je ne veux que de l’eau.

MÉGADORE. Je vous humecterai comme il faut, mais de bon vin, quoique vous ne vouliez que de l’eau.

EUCLION, à part. Je vois la finesse. Il prétend m’enterrer

  1. Géant aux cent bras.