Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/177

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PHILOXÈNE. Comment cela ?

LYDUS. Il les mènerait si bon train, qu’il ne m’en resterait bientôt plus.

MNÉSILOQUE. Et pourquoi donc, Lydus, traiter avec tant de rigueur mon ami, votre élève ?

LYDUS. Vous n’avez plus d’ami.

MNÉSILOQUE. Aux dieux ne plaise !

LYDUS. C’est comme je vous le dis. Je l’ai vu de mes yeux se perdre, ce n’est pas un ouï-dire.

MNÉSILOQUE. Qu’est-il arrivé ?

LYDUS. Il est honteusement épris d’une courtisane.

MNÉSILOQUE. Ah ! taisez-vous !

LYDUS. Une femme qui dévore, qui engloutit tout ce qu’elle peut saisir.

MNÉSILOQUE. Où demeure-t-elle ?

LYDUS. Ici.

MNÉSILOQUE. D’où est-elle ?

LYDUS. De Samos.

MNÉSILOQUE. Son nom ?

LYDUS. Bacchis.

MNÉSILOQUE. Vous vous trompez, Lydus ; je sais parfaitement ce qu’il en est ; Pistoclère est innocent, et vous avez tort de l’accuser. Il ne fait là dedans qu’obliger et servir bravement un de ses amis ; mais il n’est pas amoureux, n’allez pas le croire.

LYDUS. Est-ce donc aussi pour obliger et servir son ami qu’il prend cette femme sur ses genoux et se fait embrasser par elle ? Ne peut-il s’acquitter de sa commission sans lui tâter le sein à toute minute et coller ses lèvres aux lèvres de la belle ? Car j’aurais honte de dire tout ce que je lui ai vu faire encore : l’effronté n’a-t-il pas osé, en ma présence, fourrer sa main sous la robe de cette Bacchis, la toucher… Bref, je n’ai plus d’élève, ni-vous d’ami, ni ce père de fils ; à mes yeux, on est mort quand la pudeur est morte. Si j’avais voulu attendre un moment, j’en aurais vu, je crois, de plus belles encore, et plus que ne l’exige la décence pour lui et pour moi.

MNÉSILOQUE, à part. Ah ! bourreau d’ami, tu m’assassines ! Et je ne me vengerai pas de cette femme ? Plutôt mourir mille fois ! On ne peut donc plus savoir à qui se fier !

LYDUS, à Philoxène. Voyez comme il est affligé des déportements de votre fils, de son ami ! quelle violence dans son chagrin !

PHILOXÈNE. Mnésiloque, je vous en prie, voyez à le ramener à de meilleurs sentiments. Sauvez votre ami et mon fils.