Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/183

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MNÉSILOQUE. Je suis perdu ! Les souffrances les plus aiguës, les plus cruelles, me déchirent le cœur. Faut-il que j’aie ajouté foi à la calomnie ! J’ai été bien coupable de me fâcher contre toi.

PISTOCLÈRE. Allons, reprends courage.

MNÉSILOQUE. Le puis-je ? un mort vaut mieux que moi.

PISTOCLÈRE. Le parasite du militaire est venu tout à l’heure demander l’argent ; mais je l’ai si rudement reçu, que je l’ai forcé à s’en retourner en pleine déroute.

MNÉSILOQUE. À quoi cela me sert-il ? que ferai-je ? malheureux, je n’ai rien : il va l’emmener, j’en suis sûr.

PISTOCLÈRE. Si j’avais de l’argent, je ne te le promettrais pas.

MNÉSILOQUE. Tu me le donnerais, je le sais. Je te connais ; si tu n’étais pas amoureux comme moi, je n’aurais pas en toi tant de confiance. Mais tu as assez de tes propres embarras ; comment espérerais-je quelque secours de toi, qui es dans la même détresse ?

PISTOCLÈRE. Calme-toi : quelque dieu nous prendra en pitié.

MNÉSILOQUE. Chansons. (Il fait mine de s’en aller.)

PISTOCLÈRE. Reste.

MNÉSILOQUE. Qu’est-ce ?

PISTOCLÈRE. Voici ta providence ; c’est Chrysale.



SCÈNE IV. — CHRYSALE, MNÉSILOQUE, PISTOCLÈRE.


CHRYSALE, sans voir Mnésiloque et Pistoclère. L’homme que voici vaut son pesant d’or, c’est une statue d’or qu’il mérite. Deux exploits dans un jour ! et deux fois l’ennemi dépouillé par mes mains ! Comme j’ai joliment joué mon vieux maître ! l’ai-je assez berné ! Ce malin barbon, à force de rouerie et de ruse, je l’ai amené, je l’ai forcé à me croire. Quant à mon jeune maître, notre amoureux, avec qui je bois et mange et fais l’amour, je l’ai fait riche comme un roi… de l’or à puiser dans la maison même ; rien à chercher au dehors. Quelle misère que ces Parménons, ces Syrus, qui apportent à leurs maîtres deux ou trois mines ! Rien de pire qu’un esclave sans imagination ! Parlez-moi d’un de ces cerveaux féconds qui trouvent tout de suite l’expédient dont on a besoin. Un sage est celui qui sait faire le bien et le mal, fourbe avec les fourbes, et avec les voleurs, voleur autant qu’on peut l’être : un homme de sens et d’esprit sait changer de peau à tout moment. Bon avec les bons, il est méchant avec les méchants et se plie