HÉGION. Il est où je voudrais qu’il ne fût pas et où il désire être par-dessus tout… Ainsi j’ai été misérablement bafoué, vilipendé par les perfidies du coquin, qui m’a berné tout à son aise ? Mais enfin, fais bien attention.
ARISTOPHONTE. Ne vous mettez point en peine, je suis parfaitement sûr de ce que j’avance.
HÉGION. Bien vrai ?
ARISTOPHONTE. C’est tout ce qu’il y a de plus certain. Philocrate est mon ami d’enfance.
HÉGION. Et comment est-il fait, ton ami Philocrate ?
ARISTOPHONTE. Je vais vous le dire : figure maigre, nez pointu, teint clair, yeux noirs, cheveux tirant sur le roux, un peu crépus et naturellement bouclés.
HÉGION. C’est bien cela.
TYNDARE, à part. Oui, et me voilà dans de beaux draps. Malheur à vous, pauvres verges, qu’on va mettre en pièces sur mon dos !
HÉGION. Je vois qu’on m’a trompé.
TYNDARE, à part. Que tardez-vous, entraves ? accourez, embrassez-moi les jambes, je veux vous prendre sous ma garde.
HÉGION. Ces pendards de prisonniers m’ont-ils assez attrapé ! L’autre se donnait pour l’esclave, et celui-ci pour l’homme libre. J’ai lâché la noix, et on m’a laissé en gage la coquille. Sot que je suis ! ils m’en ont fait voir de toutes les couleurs. Mais celui-ci du moins ne se jouera plus de moi. Hé ! Colaphe, Cordalion, Corax, avancez et apportez des cordes.
LE CORRECTEUR. Est-ce pour aller au bois ?
SCÈNE V. — HÉGION, TYNDARE, ARISTOPHONTE, ESCLAVES.
HÉGION. Mettez les menottes à ce gibier de potence.
TYNDARE. Pourquoi cela ? qu’ai-je fait ?
HÉGION. Tu le demandes ? Tu as semé et sarclé ton champ de mensonges, fais la moisson à présent.
TYNDARE. Ne pouviez-vous dire d’abord que je l’avais hersé ? car nos paysans hersent avant de sarcler.
HÉGION. Voyez un peu l’impudence du drôle !
TYNDARE. L’assurance sied bien à l’esclave innocent et qui n’a rien à se reprocher, surtout en face de son maître.
HÉGION. Serrez-lui les mains comme il faut.