pas tous les jours dans les rues qui ont sur elles un domaine tout entier ! Quand il s’agit de payer leurs contributions, ces beaux fils répondent qu’ils ne peuvent ; ils trouvent pourtant bien de quoi satisfaire à de plus lourds impôts. Et ces femmes, quels nouveaux noms n’inventent-elles pas tous les ans ? la tunique transparente, la grosse tunique, la robe à franges, à chemisette, la robe brodée, la jaune-souci, la safran, la jupe de toile ou de gaze, la robe montante, la négligée, la royale, l’étrangère, la vert-de-mer, lav festonnée, la jaune de cire, la jaune de miel, et tant de fariboles. Elles ont été jusqu’à prendre un nom de chien.
ÉPIDIQUE. Comment cela ?
PÉRIPHANE. N’ont-elles pas leurs laconiennes[1] ? C’est pour tous ces beaux noms que les hommes en viennent à Vendre leurs biens à l’encan.
PÉRIPHANE. Mais poursuis ton récit.
ÉPIDIQUE. Deux autres femmes se sont mises à causer derrière moi ; je me suis alors un peu éloigné d’elles, comme je sais faire, en feignant de ne pas écouter leur conversation. Je n’entendais pas parfaitement bien, mais cependant je ne perdais pas tout.
PÉRIPHANE. Je suis curieux de savoir de quoi il s’agissait.
ÉPIDIQUE. L’une des deux dit à celle qui marchait à ses côtés…
PÉRIPHANE. Quoi ?
ÉPIDIQUE. Taisez-vous, si vous voulez l’apprendre. En apercevant celle dont votre fils est épris : « Ah ! s’écrie l’une de mes causeuses, elle est bien heureuse, elle a bien de la chance d’avoir un amant qui veut l’affranchir ! — Qui est cet amant ? » demanda l’autre. Alors elle lui nomma Stratippoclès, fils de Périphane.
PÉRIPHANE. C’est fait de moi ! que me dis-tu là ?
ÉPIDIQUE. Ce qui s’est passé. Quand j’entends ces mots, je me rapproche d’elles peu à peu en me reculant comme si j’étais refoulé par la presse.
PÉRIPHANE. Je comprends.
ÉPIDIQUE. « Comment le sais-tu ? réplique la seconde ; qui te l’a dit ? — Eh ! aujourd’hui même elle a reçu une lettre de Stratippoclès ; il a, dit-il, emprunté de l’argent à un banquier de Thèbes, la somme est toute prête, et il l’apporte pour cela. »
- ↑ Les chiens laconiens avaient le poil fauve.