Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/58

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Saturne[1]. Ah ! je le jure, la torture, la croix… Allons, qu’on sorte, coquin !

MERCURE. Vieux fantôme, crois-tu me faire peur avec tes menaces ? Si tu ne détales au plus vite, si tu frappes encore, si seulement tu touches la porte du petit doigt, je t’aplatis la tête avec cette tuile, et te fais cracher ta langue avec tes dents.

AMPHITRYON. Toi, coquin, m’empêcher d’entrer chez moi, de frapper à ma porte ! tiens, je vais l’arracher des gonds.

MERCURE. Encore ?

AMPHITRYON. Oui, encore.

MERCURE. Attrape. (Il lui jette une tuile.)

AMPHITRYON. Misérable, à ton maître ! Ah ! si je te tiens une bonne fois aujourd’hui, je t’accommoderai de telle sorte que tu ne l’oublieras de ta vie.

MERCURE. Pauvre vieux, tu viens de fêter Bacchus.

AMPHITRYON. Que signifie ?

MERCURE. Puisque tu me prends pour ton esclave.

AMPHITRYON. Comment, pour mon esclave ?

MERCURE. La peste t’étouffe, je ne connais de maître qu’Amphitryon.

AMPHITRYON. Ai-je donc changé de figure ? Sosie ne me reconnaît pas, c’est étrange. Interrogeons-le. Dis-moi, de qui ai-je bien l’air ? ne suis-je pas Amphitryon ?

MERCURE. Amphitryon ? Es-tu fou ? Ne t’ai-je pas bien dit, bonhomme, que tu venais de fêter Bacchus, puisque tu demandes à un autre qui tu es ? Va-t’en, crois-moi, et ne viens pas faire de tapage ici, tandis qu’Amphitryon, à peine revenu de la guerre, s’en donne avec son épouse.

AMPHITRYON. Avec quelle épouse ?

MERCURE. Avec Alcmène.

AMPHITRYON. Qui cela ?

MERCURE. Combien de fois faut-il te le dire ? Amphitryon ? mon maître. Çà, laisse-nous la paix.

AMPHITRYON. Avec qui est-il couché ?

MERCURE. Il t’en coûtera gros de railler de la sorte.

AMPHITRYON. Réponds, de grâce, mon petit Sosie.

MERCURE. Voyez le patelinage ! Eh bien donc, avec Alcmène.

AMPHITRYON. Dans la même chambre ?

MERCURE. Bien plus, je pense qu’ils se touchent de fort près.

  1. Ce trait est dirigé contre les Carthaginois, qui sacrifiaient des enfants à Saturne.