Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/19

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foi, dans mon rêve, j’étais épris de cette chèvre, mais je ne savais en quelles mains la mettre, et cet embarras me tourmentait fort. Sur ces entrefaites, un bouc s’approche, me dit qu’il a emmené la chèvre de chez le singe et me rit au nez. Je pleure, je me plains de cet enlèvement. Quel peut être le sens de ce songe, c’est ce que je ne puis découvrir ; et cependant je me doute bien que j’ai déjà trouvé ce que c’est, ce que cela signifie. Ce matin, dès le point du jour, je me rends au port ; après avoir fini mes affaires, j’aperçois le vaisseau qui a ramené hier mon fils de Rhodes, et il me prend envie, je ne sais comment, de le visiter ; je monte dans un bateau, j’accoste le navire, et là j’aperçois une femme de toute beauté, une servante que mon fils amène à sa mère. À cette vue, je deviens amoureux, non pas comme un homme sage, mais comme un extravagant. Par Hercule, j’ai été amoureux autrefois, quand j’étais jeune, mais jamais à la folie comme aujourd’hui. Voilà qui est bien sûr : ma chèvre est trouvée. Toutefois, ce singe et ce bouc me donnent du tintouin. Tout ce que je sais, c’est que je suis hors de moi. (Aux spectateurs.) Au reste, vous voyez ce que je vaux. Motus ! voici mon voisin qui sort de chez lui.


SCÈNE II. — LYSIMAQUE, DÉMIPHON, ESCLAVES.


LYSIMAQUE. Je veux absolument qu’on châtre ce bouc, qui nous donne tant d’ennui à la campagne.

DÉMIPHON, à part. Voilà un présage, un augure qui ne me plaît guère. Pourvu que ma femme ne me fasse pas châtrer comme le bouc, et que celui-ci ne joue pas le rôle du singe.

LYSIMAQUE, à un esclave. Va-t’en tout droit à la ferme, et remets ces râteaux en main propre au fermier Pistus. Aie soin de dire à ma femme que j’ai une affaire en ville, qu’elle ne m’attende pas ; dis-lui que j’ai trois procès à juger aujourd’hui. Va et n’oublie pas la commission.

L’ESCLAVE. Est-ce tout ?

LYSIMAQUE. Oui.

DÉMIPHON. Bonjour, Lysimaque.

LYSIMAQUE. Eh ! bonjour, Démiphon. Comment cela va-t-il ? qu’y-a-t-il ?

DÉMIPHON. Je suis bien malheureux.

LYSIMAQUE. Que les dieux vous viennent en aide !

DÉMIPHON. C’est bien ce qu’ils font.

LYSIMAQUE. De quoi s’agit-il ?