Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T2 - 1850.djvu/411

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réglé que le denier d’argent vaudrait seize as, le quinarius huit, et le sesterce quatre, ce qui fit pour la république un gain de la moitié ; toutefois, dans la solde des troupes le denier continua à être donné pour dix as. L’empreinte sur la monnaie d’argent fut un bige et un quadrige, d’où ces pièces furent appelées bigats et quadrigats. La loi de Papirius, bientôt après, réduisit les as à une demi-once. Livius Drusus, étant tribun du peuple (an de Rome 663), mit dans la monnaie d’argent un huitième de cuivre. Ce que nous nommons présentement victoriat fut frappé en vertu de la loi Clodia. Autrefois les victoriats venaient d’Illyrie, et ils n’étaient reçus que comme matière de commerce. Le nom vient de l’empreinte, qui représente une Victoire. La monnaie d’or fut frappée soixante-deux ans après la monnaie d’argent, chaque scrupule d’or valant vingt sesterces ; ce qui fit par livre, au compte des sesterces d’alors, neuf cents sesterces. Depuis il fut réglé qu’on frapperait des deniers d’or à raison de quarante deniers par livre. Insensiblement les princes diminuèrent le poids de ces deniers ; la plus grande diminution fut sous Néron, qui en fit frapper quarante-cinq à la livre.

XIV. L’invention de la monnaie ouvrit à l’avarice une nouvelle source par l’usure, cette manière de gagner sans rien faire. La cupidité, que dis-je ! la soif de l’or se changea, sans transition, en une rage véritable ; et l’on vit Septimuléius charger de plomb la tête, mise au prix de son pesant d’or, de Caïus Gracchus, dont il était l’ami, la porter à Opimius (XIV, 16), et, dans son parricide, escroquer encore la république. Déjà ce n’était plus tel ou tel Romain, c’était Rome entière dont le nom était devenu infâme par l’avarice, quand Mithridate fit verser de l’or fondu dans le gosier d’Aquilius, son prisonnier : voilà ce qu’amène la cupidité. Pour rougir de notre siècle il suffit de songer à ces noms récents tirés du grec et qu’on forge tous les jours, afin de désigner des vases d’argent à bordure ou à doublure d’or, et aux indignes usages pour lesquels se vendent ces objets tant d’or que dorés ; surtout si l’on se rappelle que Spartacus avait défendu dans son camp de porter de l’or ou de l’argent, tant des esclaves fugitifs de Rome l’emportaient en noblesse d’âme sur les Romains ! L’orateur Messala a laissé par écrit que Marc-Antoine, le triumvir, employait des vases d’or pour les besoins les plus sales ; reproche qui ferait rougir même Cléopâtre. Jusque-là chez les étrangers le comble de la licence avait été le luxe du roi Philippe, qui plaçait habituellement sous son oreiller une coupe d’or, et celui d’Agnon de Téos, lieutenant d’Alexandre le Grand, qui portait des clous d’or à sa chaussure. Il était réservé au sage Antoine d’utiliser l’or en outrageant la nature : ô homme digne d’être proscrit, mais par Spartacus !

XV. Un de mes étonnements, c’est que le peuple romain ait toujours imposé aux nations vaincues des tributs en argent et jamais en or : témoin Carthage, qui, vaincue avec Annibal, dut payer seize mille livres pesant d’argent annuellement pendant cinquante ans, en tout huit cent mille livres, mais point d’or. Ce n’était pas pourtant qu’il y eût disette d’or dans le monde. Déjà Midas et Crésus en avaient possédé des quantités immenses ; déjà Cyrus, dans la conquête de l’Asie, avait fait un butin de trente-quatre mille livres de ce métal, sans compter les vases d’or, les